Qobuz révèle son taux de rémunération à l’écoute

Dans une première mondiale pour une plateforme de streaming musical, Qobuz a publié officiellement le taux moyen de rémunération par écoute versé aux ayants droit. L’entreprise indique à Billboard avoir versé un taux moyen par écoute de 0,018732 $ (0,017327 €), au cours des 12 mois se terminant le 31 mars 2024. Ce taux global, qui couvre à la fois la musique enregistrée et éditions, équivaut à 18,73 $ (17,32€) pour 1 000 écoutes.

Un fait inédit au niveau mondial

« Aujourd’hui, nous franchissons une étape pour plus de transparence », a déclaré Georges Fornay, directeur général adjoint de Qobuz, dans un communiqué. « Nos taux de rémunération sont désormais publics. Cette initiative sans précédent dans notre industrie est une première étape nécessaire vers la promotion d’un modèle de streaming plus équitable et plus durable. Choisir Qobuz signifie agir concrètement pour une rémunération plus juste de tous les artistes et soutenir la diversité musicale, des valeurs chères à nos clients. »

Une des raisons pour lesquelles les plateformes de streaming n’ont jamais publié leurs taux par écoute est que les rémunérations du streaming ne sont pas versées par écoute. Au contraire, les redevances résultent de calculs complexes basés sur des facteurs tels que la part de marché. Qobuz l’admet dans le communiqué de presse dévoilant son calcul inédit, qui a été réalisé par un grand cabinet comptable. « Il convient de noter que les méthodes de paiement aux labels et aux éditeurs ne sont pas systématiquement basées sur une rémunération par écoute », peut-on y lire. « Les méthodes de calcul peuvent varier d’un contrat à l’autre. »

Qobuz leader mondial

Malgré tout, le taux de rémunération par écoute demeure un indicateur de référence pour mesurer ce que valent réellement les services de streaming aux yeux des artistes et des ayants droit. Qobuz était souvent cité comme la plateforme ayant le meilleur taux par écoute, mais jusqu’à présent, aucun chiffre officiel ne permettait de confirmer cette position dans le classement des rémunérations. Si les entreprises communiquaient bien sur les montants totaux versés chaque année ou depuis leur création, aucune n’avait encore dévoilé ses chiffres par écoute.

Avec 18,73 $ (17,32€) pour 1 000 écoutes, Qobuz se classe bien devant ses pairs, selon les informations limitées et imparfaites disponibles. Les meilleures comparaisons proviennent de l’investisseur en catalogues musicaux Duetti, qui a publié ses propres calculs en janvier pour le taux moyen par écoute versé aux artistes indépendants. Ce rapport indiquait que la redevance moyenne pour les enregistrements principaux — excluant les éditions que Qobuz a incluse — était de 3,41 $ (3,15 euros) pour 1 000 écoutes en 2024, bien que Qobuz n’ait pas été inclus dans ce classement. Les éditions représentent généralement 20 % des coûts de contenu de streaming musical, ce qui placerait la redevance par écoute de Qobuz pour la musique enregistrée à environ 15 $ (13,87 euros) pour 1000 écoutes — 4,4 fois la moyenne de la liste de Duetti.

Une forte avance sur ses concurrents

Amazon s’est classé premier sur la liste de Duetti avec 8,8 $ pour 1000 écoutes (8,3 euros), suivi par TIDAL à 6,8 $ , Apple Music à 6,2 $, YouTube et Deezer à 4,8 $ (4,5 euros). Le paiement de 3 $ pour 1000 écoutes de Spotify (2,85 euros) était inférieur à celui de ses pairs en raison de l’utilisation élevée, du mix géographique, de la dépendance aux plans gratuits et à prix réduit, et du Discovery Mode, par lequel les artistes acceptent une redevance inférieure en échange d’une promotion dans l’application.

Une des raisons pour lesquelles Qobuz paie relativement bien est qu’il facture un prix relativement élevé. Le revenu moyen par utilisateur (ARPU) chez Qobuz est de 121,13 $ par an ou 22,38 $ par mois, tandis que le dernier ARPU de Spotify (pour le trimestre terminé le 31 décembre 2024) était de 4,85 euros. Aux États-Unis, Qobuz facture 12,99 $ par mois — 1 $ de plus que le forfait musique et livres audio de Spotify — ou 129,99 $ par an lorsqu’il est acheté annuellement. Dans son pays d’origine, la France, Qobuz facture 14,99 euros par mois ou 149,99 euros par an. C’est 34 % de plus que les 11,12 euros (12,13 $) par mois que facture Spotify.

Des abonnements plus chers

L’entreprise évoque également d’autres caractéristiques de son modèle qui expliquent ces taux de rémunération particulièrement avantageux. Contrairement à ses concurrents, Qobuz ne propose pas de formule gratuite financée par la publicité, dont les revenus seraient inférieurs à ceux des abonnements. Par ailleurs, la plateforme se démarque par la qualité supérieure de son offre : fichiers non compressés, audio haute définition et « contenu éditorial exclusif » justifiant, selon elle, des tarifs plus élevés. Qobuz met également un point d’honneur à valoriser des artistes et des genres musicaux généralement délaissés par les autres plateformes, comme le jazz ou la musique classique. Résultat : d’après l’entreprise, une répartition des revenus plus équitable profitant à une plus grande diversité d’artistes.

La répartition géographique joue aussi un rôle clé dans le niveau des redevances versées par Qobuz. La plateforme est présente dans 26 pays — dont les États-Unis, le Japon, le Royaume-Uni, l’Allemagne, la France, la Suède et le Canada — où les consommateurs sont habitués à payer pour leurs abonnements musicaux. En revanche, Qobuz n’est pas implanté dans des marchés émergents comme l’Inde, caractérisés par des tarifs d’abonnement très bas et une préférence marquée des utilisateurs pour les offres gratuites avec publicité. Même dans des pays comme le Mexique ou le Brésil, où Qobuz est présent malgré des prix d’abonnement généralement plus faibles, le service se positionne délibérément au-dessus de la concurrence. Au Mexique, l’abonnement mensuel à Qobuz coûte 150 pesos (7,49 $), contre 129 pesos (6,44 $) pour Spotify. Au Brésil, comptez 25,90 R$ (4,59 $) pour Qobuz, alors que Spotify ne demande que 21,90 R$ (3,88 $).

L’écart entre Qobuz et ses concurrents pourrait toutefois se resserrer avec le temps, alors que les taux de rémunération tendent à s’améliorer. Selon plusieurs sources, Spotify s’apprêterait à lancer une offre premium plus coûteuse incluant l’audio haute définition. Différents acteurs du secteur prennent d’ailleurs des initiatives pour rehausser légèrement leurs taux. Deezer a ainsi revu son système de rémunération en défavorisant les morceaux générés par IA, en éliminant les « contenus sonores non artistiques » et en valorisant davantage ce qu’elle désigne comme les « artistes professionnels ». De son côté, Spotify a déjà remanié son modèle de redistribution en 2023. À mesure que ces pratiques se généraliseront à d’autres plateformes, on peut s’attendre à une légère hausse des taux moyens de rémunération.