Olivier Maligorne : « 60% des acheteurs de billets du Hypnotize Festival sont des femmes. »

Festival Hypnotize à Lyon
Fever
Olivier Maligorne, directeur créatif de Fever, revient sur la première édition du Hypnotize Festival. Réparti entre deux villes, Lyon les 13 et 14 juin puis Bordeaux les 5 et 6 septembre, le festival lancé cette année propose une programmation intégralement dédiée au rap et à la culture hip-hop. Les grands noms de la scène francophone comme Booba, Vald, Leto ou SCH cohabitent avec de jeunes talents à l’image de La Mano 1.9. L’événement met également à l’honneur les artistes locaux, avec Bu$hi et Mussy à Lyon, ainsi qu’Aupinard et Jasem à Bordeaux.
Comment êtes-vous parvenu à réunir les artistes de cette première édition et avez-vous rencontré des difficultés pour y arriver ?
Ça a été une bonne surprise, nous n’avons pas rencontré de réelles difficultés pour contacter ces artistes et obtenir des retours positifs. Nous avons travaillé la programmation avec nos équipes et Clément Meyère de Liquiid Agency.
Il est aussi programmeur de We Love Green, Dour et Yardland et avec qui on travaille déjà depuis quelques années sur l’Initial Festival à Bordeaux. Je pense également qu’il y a beaucoup plus d’artistes rap que de festivals qui programment des artistes rap en France. C’est aussi pour cela que l’on a eu énormément de retours positifs.
Selon vous, qu’est-ce qui a attiré ces artistes chez Hypnotize ?
Nous avons essayé de construire un line-up qui représente tous les courants musicaux du rap français, aussi bien du gangsta rap, du son caribéen, du rap alternatif ou encore du rap plus conscient. Donc je pense que ça a pas mal joué. On a réussi à faire un line-up cohérent qui respecte tout cet héritage culturel qu’a le rap en France.
Ensuite, nous avons mis en avant une grosse scénographie. On a créé un ghetto blaster de 12m de haut pour 30m de large, des éléments de décorations importants et grands comme des bombes de graffitis géantes de 2m50 de haut, des cassettes de 2-3m de large. On a créé tout un univers autour du hip-hop et je pense que ça a aussi joué dans la balance avec les artistes.
Vous évoquez Hypnotize comme une sorte de panorama du rap français en 2025, comment est venue l’idée d’instaurer un tel festival de rap ?
Justement parce que le rap est la musique la plus écoutée au monde et une des plus écoutées en France. Il y a 50 ans d’histoire de hip-hop et il a sa place depuis quelques années dans les festivals généralistes, dans lesquels on retrouve souvent les mêmes artistes. Ici, l’idée est d’ouvrir le plus largement possible parce que cette scène hip-hop est immense et qu’il y a des publics pour toutes les scènes de rap. On a alors vu qu’il y avait cet espace au sein de l’industrie dans lequel il y avait de la place pour un festival comme celui-ci.
On a alors vu qu’il y avait cet espace dans l’industrie dans lequel il y avait de la place pour un festival comme celui-ci
Pourquoi avoir fait le choix d’un festival sur deux villes et pourquoi ces deux villes ?
Ces villes-là en particulier c’est parce que c’est deux grandes villes importantes de France. Lyon est la troisième ville du hip-hop en France et ce sont deux villes où il n’y avait pas de festival de hip-hop de grande ampleur. Donc dans une volonté de développer le marché on s’est dit qu’on voulait le faire à Lyon et à Bordeaux.
Et pourquoi dans deux villes ? C’est pareil, c’est une question d’opportunités mais aussi une manière de pouvoir développer la marque pour la rendre encore plus forte. La première date à Lyon soutient aussi la date de Bordeaux et ensuite vice-versa pour l’année suivante.
Vous mettez aussi en place des espaces dédiés au graffiti, la danse et le tatouage. Y a-t-il une volonté de faire un festival de rap mais aussi de culture hip-hop ?
Oui, en effet. Il y a cinq éléments de la culture hip-hop, le rap, la danse, le DJing, le graffiti, et le knowledge. C’est ce qu’on a voulu mettre en avant. Pour cela, on collabore avec différents collectifs. Pour faire des battles de danse par exemple, on travaille avec la team Blacklist, gérée par Abdel Mustapha qui a été dernièrement capitaine de l’équipe de France des breakers aux JO.
En rap, on travaille avec Takeover, qui nous a proposé une dream team de freestylers. On va créer des battles et des freestyles uniques pour le public et pour l’intégrer, ce sera lui qui sera le jury de ces battles. Pour le graffiti on a notamment travaillé avec deux artistes locaux pour Lyon qui sont Kalouf et Don TWA.
Est-ce important de mettre en avant des artistes locaux dans le festival ?
Oui, bien sûr, parce que le centre du rap en France est Paris. Bien souvent, les artistes et les scènes artistiques de province ne sont que très peu mises en valeur. Nous avons fait le choix de s’installer en province et c’est dès lors très important d’avoir des artistes locaux et de les mettre en avant. C’est pour cela qu’à Lyon, on a Bu$hi ou Mussy, à Bordeaux, on Aupinard, Jasem et Maydo. Il faut pouvoir donner de la visibilité et de la chance à ces artistes.
Le festival a-t-il été pensé de manière à établir une sorte d’équilibre générationnel entre artistes confirmés et émergents ?
Nous voulons représenter toutes les générations qui suivent et écoutent le rap qui a déjà 50 ans. L’idée est de montrer, de donner des shows pour les anciens, mais aussi pour les plus jeunes, et qu’ensuite les publics puissent se mélanger. Ce n’est pas parce qu’on est un gars de 50 ans fan de Booba, qu’on ne peut pas aller aimer La Mano 1.9.
Ce n’est pas parce qu’on est un gars de 50 ans fan de Booba, qu’on ne peut pas aller aimer La Mano 1.9
Est-ce que pour l’avenir, le festival Hypnotize pourrait s’implanter dans d’autres villes ou l’objectif est-il d’établir un ancrage régional ?
Nous avons une volonté d’ancrer le festival sur le territoire. Mais c’est vrai que nous sommes ouverts à faire voyager la marque Hypnotize si ça prend sur d’autres territoires.
Est-ce que le festival pourrait inviter des artistes internationaux alors que cette première édition est essentiellement francophone ?
Oui, je pense que c’est une évolution qui sera assez naturelle. L’idée est de faire grandir le projet et de ramener toujours plus de shows qualitatifs, d’artistes de tout horizon. Bien sûr, l’international, on le garde en tête. Pour une première édition, on a voulu faire un focus franco-français. Pour les prochaines, il y aura sûrement des surprises internationales.
Aviez-vous la volonté de respecter une certaine parité en établissant la line-up ou du moins d’inviter un maximum d’artistes féminines ?
Je pense que la parité est encore un peu compliquée au vu du nombre d’artistes féminines qui exercent en France. Mais bien sûr, il faut qu’elles aient leur place, elles le méritent par leur talent, au-delà de leur sexe, les Meryl, Maureen, Kay The Prodigy, c’est le top au niveau artistique.
Par ailleurs, 60% des acheteurs de billets du festival Hypnotize sont des femmes. On a un public qui est majoritairement féminin, et ça, c’est assez incroyable. Pour avoir participé à des concerts en Europe depuis des années, c’est la première fois que je vois ça. C’est très positif, ça montre que tout le monde est ouvert, que le rap s’est totalement démocratisé et qu’il a laissé derrière lui tous ses préjugés de société.
60% des acheteurs de billets du festival Hypnotize sont des femmes
Propos recueillis par Julien Zeidan pour Billboard France.