Nicolas Parpex: « L’idée c’est de faire rayonner la créativité française »

Nicolas Parpex en intervention à We Are French Touch 2024
Pilote du plan French Touch depuis 2019, Nicolas Parpex déploie désormais une stratégie ambitieuse avec 1,1 milliard d’euros déployés chaque année dans les industries créatives par Bpifrance via le plan French Touch et plus de 400 millions d’euros d’actifs sous gestion dans le fonds French Touch Capital. Son pôle englobe des secteurs aussi variés que la musique, le cinéma, l’audiovisuel, le design et le luxe. Au sein de Bpifrance, la banque publique d’investissement française, il joue le premier rôle dans l’accompagnement des entreprises créatives. De retour du festival South by Southwest (SXSW) à Austin, il se livre à Billboard France. Aux côtés d’une délégation formée de personnalités tels que Thomas Jolly, Hugo Travers (Hugo Décrypte) ou encore Nicolas Santi-Weil (AMI PARIS), de représentants de grandes entreprises (LVMH, Ubisoft), et de startups comme Histovery et Excurio ainsi que d’institutions comme le Ministère de la Culture et les maisons de luxe, il est un des témoins privilégiés de l’impact croissant de la création française à l’international.
Pourriez-vous décrire le rôle de la Bpifrance aujourd’hui ?
Avec la Bpi, on investit, on accompagne et on projette à l’international l’ensemble des entreprises créatives. On couvre à la fois l’univers de l’entertainment, donc la musique, le cinéma, le gaming, l’audiovisuel, etc; l’univers des marques et du luxe, et l’univers de l’art et du design. En résumé, tous les secteurs qui ont le talent créatif au cœur de leur proposition de valeur. On y déploie une boîte à outils de garantie bancaire, de crédit bancaire, d’investissement equity, d’accompagnement, d’accélération et de projection internationale pour les entreprise. Au total, on a déployé 8 milliards d’euros et soutenu 17 000 entreprises en 5 ans.
Est-ce qu’il y a une différence entre la French Touch et French Touch Capital ?
Alors, French Touch Capital, c’est la division qui opère les investissements en fonds propres dans le cadre de la plateforme French Touch. Comme son nom l’indique, c’est la partie investissement en capital de la French Touch.
Dans le cadre de ce programme French Touch, vous êtes partis avec une délégation au Festival South by Southwest, pouvez-vous nous en dire plus ?
Absolument. Dans la plateforme French Touch, il y a la partie business, et il un deuxième volet écosystémique dans lequel on anime une communauté. On a un board d’ambassadeur de la French Touch. On y retrouve ainsi le PDG d’AMI PARIS, le PDG de Brut, la VP d’Ubisoft, la DG du groupe Beaux Arts & Cie, la designer India Mahdavi, la violoniste Marina Chiche, Julie Gayet, Fleur Pellerin, la PDG de la SACEM, etc. Il y a une vingtaine d’ambassadeurs qui constituent notre board.
Ensuite on a une communauté d’une centaine de boîtes. L’idée, c’est vraiment de créer un mouvement de la créativité française en cassant les silos sectoriels et en cassant les silos entre les typologies d’acteurs. On essaie donc de créer une dynamique collective autour des startups, des grands groupes et des institutionnels.
Concrètement, cela se manifeste en événements. On a un événement totem qui s’appelle We Are French Touch, c’est le premier événement B2B multi-secteurs créatif en France. Il a lieu en fin d’année. On prépare actuellement la cinquième édition. On participe évidemment au Big, le grand événement Bpifrance tous les ans à l’Accor Arena. On a également une grosse séquence au Festival de Cannes où on est partenaires de la semaine de la critique, et à SXSW.
Et enfin chaque année, on fait une vingtaine de partenariats et de la communication. Tout ça, c’est la French Touch.
SXSW est plutôt sur le deuxième volet, mais réunit tout en fait. Parce que l’idée c’est à la fois d’emmener une délégation d’entreprises, et de faire rayonner la créativité française sur place, avec des talks au programme officiel et un événement qui s’appelle le French Touch Rendez-vous, où il y a des panels, des expériences et un concert.
Comment se fait la sélection des intervenants et des artistes qui se produisent au Festival ?
SXSW si on dézoome un peu, il y a l’aspect business et intelligence économique sur la délégation. C’est pour cela qu’on emmène une soixantaine de boîtes, déjà pour vivre South by Southwest, c’est-à-dire s’inspirer, rencontrer des partenaires business et pourquoi pas des clients et des investisseurs.
Cette année on avait une très belle délégation avec à la fois des startups comme Histovery, Excurio mais aussi LVMH, Ami, Ubisoft, le Ministère de la Culture. On cristallise tout ça sur une journée et ça s’appelle la French Touch Rendez-Vous. On essaye encore une fois de trouver un équilibre entre les différents secteurs d’activité, entre les différentes grandes thématiques. On veut avoir un angle et un message qui est celui de la French Touch, c’est-à-dire qui reflète nos valeurs et nos grands leviers stratégiques, qui sont l’innovation, l’impact positif et l’hybridation.
L’idée est de trouver des thématiques et des façons de voir le monde qui sont compatibles avec South by Southwest, c’est-à-dire quelque chose de très prospectif et de très haut niveau, mais avec une saveur française. Par exemple, cette année on avait un panel sur l’accessibilité de la culture avec Ubisoft, le Château de Versailles, Art Explora, où il y avait un côté ouverture, accessibilité. Il y avait aussi un panel sur l’immersif qui est un des domaines sur lesquels la France est très forte.
Il y a eu également ce moment très particulier avec Olivier Goy, Hugo Travers et Nicolas Santi-Weil d’AMI PARIS axé sur l’humain et sur la vulnérabilité en Amérique avec ce contexte particulier, c’était un message important. Il a eu aussi un panel sur la French Touch en tant que plateforme créative avec homologues, notamment la TAICCA qui est un peu la French Touch taiwanese et des acteurs québécois et texans.
Donc avec une idée de coopération internationale et de multilatéralisme, on essaie de trouver un petit peu ce qui fait une différenciation française et européenne dans ce grand événement international, mais très américain, 80% des participants étant américains. Pour les concerts, on essaie de trouver des artistes qui eux-mêmes ont un intérêt à prendre la parole et à performer dans ce grand festival qui a accueilli et qui accueille des très grands artistes. On a un petit penchant électro, parce que c’est aussi un clin d’œil au fait qu’on s’appelle la French Touch, sur les trois éditions qu’on a fait, on avait quand même beaucoup d’artistes électroniques.
Quel bilan est-ce que vous tirez aujourd’hui de ces panels que vous avez pu organiser ?
On est très contents de l’événement, au global on a eu 1 500 personnes comme l’année dernière, donc c’est quand même un des gros événements d’Austin. Les panels étaient globalement pleins. On avait aussi un panel qu’on a organisé le lendemain dans le Convention Center avec Thomas Jolly et Thierry Reboul qui sont revenus sur les cérémonies des Jeux Olympiques et paralympiques. Il y avait 500 personnes. C’était plein à craquer, énorme succès. Ça montre la différenciation qu’on porte puisque Thomas et Thierry ont porté un discours vraiment de primat la créativité, d’inclusion, de diversité. On était aussi très fiers d’avoir Barbara Butch, parce que ça donnait aussi une résonance à ce qui avait été fait pour les cérémonies des JO. Donc on est très contents d’un point de vue, KPI’s, quantitatif et qualitatif.
Est-ce que vous avez ressenti un impact avant/après des Jeux Olympiques, dans le retour des interlocuteurs que vous avez pu avoir ?
Oui, je pense qu’au Texas, qui est un territoire d’une grande puissance et vélocité économique, l’échelle et la taille critique est très élevée comptent. C’est vraiment un endroit pour les très grandes compagnies, les très grands artistes. La marche était donc très haute. Et il est certain que d’avoir été capable de créer un objet culturel aussi brillant que celui des cérémonies olympiques et paralympiques avec 2 milliards de téléspectateurs dans le monde, ça positionne quand même.
Au-delà de l’événement French Touch, est-ce que vous avez pu observer des grandes tendances dans les différents échanges qui ont pu avoir lieu lors du Festival South by Southwest ?
Oui, on n’y va pas que pour animer, on y va vraiment avec ce double objectif qui est évidemment d’animer la présence française et de coordonner une dynamique qui est très forte. La France de manière collective était quasiment invisible avant que cette initiative soit portée et aujourd’hui, on est la première délégation européenne. Il y a un vrai changement à la fois sur ce qu’on a été capable de projeter et puis sur le regard porté sur la France. On y va aussi évidemment pour vivre notre South by Southwest et aller écouter les grands futuristes. Après le principe de South by Southwest, c’est qu’il se passe toujours 30 choses en même temps. Donc quand vous arrivez à écouter quelque chose, vous en ratez 29.
Mais je retiens plusieurs choses. La première, c’est que le niveau de difficulté à comprendre les dynamiques du monde actuel et à se projeter n’a jamais été aussi élevé. Pour la première fois, même les futuristes comme Amy Webb, une des chamanes de SXSW que tout le monde vient voir chaque année, ont du mal à lire le futur. On est dans une espèce de terra cognita. C’est marquant car je vais à SXSW depuis longtemps et je n’avais jamais entendu des futuristes dire qu’ils avaient autant de mal à lire le futur.
Après, le deuxième point avec lequel on revient c’est que l’année dernière on nous avait promis un super cycle d’explosion technologique portée par l’IA. Non seulement c’est avéré mais on voit des cas d’usages qui deviennent vraiment incroyables et puis des perspectives aussi qui sont vraiment sidérantes.
On était là il y a trois ans quand Sam Altman a annoncé la sortie de ChatGPT qui était déjà une folie. Cette année, on voit que c’est déjà l’âge de l’IA agentique avec des agents qui se parlent tout seul en langage informatique, des expériences vraiment dingues jusqu’à ce que des agents IA dans Minecraft construisent une mégalopole en deux semaines, créent une religion, se mettent à se faire la guerre entre eux etc.
Il y a aussi une dimension commerciale, car SXSW est un endroit où les grandes plateformes mettent en avant leurs nouveaux programmes comme Amazon Prime, Barbie etc. Mais il y a quand même un attachement au talent et au contenu qui reste très fort. Il y avait autant de monde pour écouter Ben Stiller raconter le succès de Severance que pour Amy Webb ou le PDG d’IBM qui venait parler de l’ordinateur quantique.
Pour la première fois cette année il y aura également une édition européenne de South by Southwest, est-ce que vous y serez présents ?
On y sera présent dans un premier temps comme spectateurs pour observer ça avec beaucoup d’intérêt et prendre la température.
Quelles seront les prochaines grandes actualités de la French Touch ?
La French Touch va se déployer comme chaque année au festival de Cannes à travers notre partenariat avec la semaine de la critique. On va réunir un écosystème créatif et entrepreneurial autour du cinéma mais pas que. L’idée de la French Touch, ce n’est pas la verticalité sectorielle, donc on va créer des conversations avec d’autres univers, l’art, la technologie, etc. Et ensuite on est partenaire de la Paris Museum Week qui réunit 5 000 personnes avec des écosystèmes museaux du monde entier. On sera aussi partenaires du festival Soeurs Jumelles qui interface la filière musicale avec la filière cinéma. Enfin, on est déjà en train de travailler à la séquence de rentrée qui est le Big et We Are French Touch numéro 5.