Claimy lève 1,5 million d’euros pour récupérer les droits musicaux perdus

La startup parisienne veut automatiser la collecte grâce à l'intelligence artificielle.

Chaque année, environ 30% des droits musicaux se perdent, représentant un manque à gagner de 15 milliards de dollars pour les titulaires de catalogues. Claimy, fondé en septembre 2023, souhaite répondre à cet enjeu et vient de boucler une levée de fonds de 1,5 million d’euros pour déployer sa plateforme de collecte propulsée par l’IA.

L’entreprise gère plus de 6 millions d’euros de droits, couvrant 160 000 œuvres musicales d’artistes comme Céline Dion, George Michael, Aya Nakamura et Jul. Le tour de table réunit des acteurs de la musique et de la tech — Jean-Baptiste Hironde (fondateur de MWM), Flavien Kulawik et Julien Codorniou (20VC, ex-Facebook), et est complété par des financements publics de Bpifrance et du CNM, à parts égales.

Cette levée doit permettre d’accélérer le développement produit, l’expansion internationale et le recrutement. L’équipe de Claimy compte actuellement dix personnes, réparties entre Paris et Londres.

Une problématique identifiée

La création de la startup remonte à l’expérience des trois cofondateurs — Pierre-Alban Mulliez, Gustave Larrouturou et Guillaume de Lavenère — chez MWM, le plus gros éditeur d’applications mobiles dans la musique. « Tous les ayants droit avec qui on échangeait avaient du mal à savoir sur quelle plateforme, dans quel pays leurs contenus étaient diffusés. Ça créait des écarts entre ce qu’ils étaient censés recevoir et les sommes réelles », explique Pierre-Alban Mulliez.

Ce chiffre de 30% de droits manquants, au cœur de la thèse de Claimy, trouve confirmation dans les données de la Mechanical Licensing Collective (MLC) aux États-Unis, qui a déclaré avoir collecté l’année passée 2,4 milliards de dollars, dont 800 millions restent impossibles à redistribuer. Mais selon Pierre-Alban Mulliez, les disparités demeurent importantes : sur Spotify et les services de streaming classiques, le taux se situerait autour de 20%, tandis que selon le co-fondateur, sur « TikTok et YouTube, il peut y avoir jusqu’à 60% de pertes pour les ayants droit ».

La Sacem, décrite par Pierre-Alban Mulliez comme « une des toutes meilleures sociétés de gestion collective au monde », affiche des taux inférieurs à 30%. C’est une des raisons qui poussent Claimy à accélérer son développement international. Déjà présente en France et au Royaume-Uni, l’entreprise vise une expansion rapide vers les plus gros marchés mondiaux : Europe, Amérique du Nord, Australie, Japon, Corée. « L’objectif est de nouer des partenariats avec davantage de sociétés de gestion collective pour comprendre précisément les règles, barèmes et pratiques de réclamation de chaque territoire. »

Deux technologies pour combler les trous

Claimy déploie une double approche. La première cible les données et métadonnées. Avec environ 200 sociétés de gestion collective dans le monde ayant chacune leurs propres règles et identifiants, les bases de données ne communiquent pas entre elles. « On a développé des outils qui réconcilient ces dernières pour que les revenus soient bien payés. On comble les trous, on fait du matching », détaille le président de la société.

La seconde va au-delà du fingerprinting audio classique. Sur les réseaux sociaux se multiplient les versions sped up, slowed and reverb, les lives et remixes qui échappent aux algorithmes standards de type Shazam. Claimy a notammment développé un partenariat stratégique avec Télécom Paris et son laboratoire LISTEN pour entraîner des modèles d’IA capables d’identifier ces versions modifiées.

Des éditeurs en quête d’automatisation

Les clients de la startup sont principalement des éditeurs de musique, des labels et des fonds d’investissement, qui ont commencé à racheter massivement des catalogues depuis la fin des années 2010, sans toujours disposer des outils pour les valoriser. « La plupart des éditeurs, surtout les indépendants, n’ont pas d’équipe tech. Ils peuvent le faire manuellement sur Excel, mais on construit un outil pour le faire à l’échelle », explique Pierre-Alban Mulliez.

L’objectif affiché est de libérer les éditeurs des tâches administratives pour qu’ils se concentrent sur les aspects créatifs. Claimy affirme également pouvoir prédire les revenus futurs et automatiser les dépôts d’œuvres auprès des sociétés de gestion collective étrangères. La startup bénéficie d’un business model simple : une commission de 30% sur les nouveaux revenus générés pour les éditeurs grâce à son outil.

La startup demeure prudente dans sa gestion des ressources. « Les levées de fonds dans la music tech sont assez rares et difficiles à faire, donc on fait d’autant plus attention. On essaie d’investir de manière précautionneuse pour que cet argent puisse durer et qu’on prouve ce qu’on a besoin de prouver avant de lever peut-être un prochain tour dans quelques mois », conclut Pierre-Alban Mulliez.