« Adolescente, j’étais déjà intéressée par la musique électronique » : dans les coulisses du prix Joséphine 2025
Oklou performe au Prix Joséphine
Crédits : Louis Comar
L’Olympia vibre encore quand nous retrouvons Oklou, son trophée entre les mains. Quelques minutes plus tôt, Laurent Garnier annonçait son nom devant 2 000 spectateurs, après sa performance avec lampe torche au front sur plague dogs.
La soirée restera comme un manifeste générationnel. Dix artistes, dix univers. De Miki et son miki cowboy à Theodora transformant l’Olympia avec Ils me rient tous au nez, chaque performance a défié ce que le directeur de FIP Ruddy Aboab appelait « une ère musicale incertaine, brumeuse ».
Pour celle qui se nomme dans la vie courante Marylou Mayniel, cette victoire sacre l’album choke enough. Sur scène, « elle avoue n’avoir rien préparé » pour son discours et être « trop timide pour continuer », déclenchant un tonnerre d’applaudissements.
Theodora, quant à elle, a reçu le Prix Joséphine Jury 18/20ans, une seconde récompense décernée par un jury composé exclusivement de jeunes fans de musique.
Sur scène avec son équipe, elle déclare que ce prix décroché en famille est « une consécration pour la petite qui était dans sa chambre, qui a vécu dans la campagne et qui était vraiment super différente », heureuse que sa musique puisse « unir les gens et leur permettre de mieux me comprendre ».
Mais, avant ces mots prononcés lors de la remise des prix, nous sommes allés recueillir en backstage ceux d’Oklou, Miki et Ino Casablanca.

Oklou : « Quand j’étais adolescente, j’étais déjà intéressée par la musique électronique . »
Du conservatoire aux musiques électroniques
Formée comme violoncelliste au conservatoire de Poitiers, Marylou Mayniel, tête de proue de l’hyperpop, navigue aujourd’hui loin des contraintes classiques. « Quand j’étais adolescente, j’étais déjà intéressée par la musique électronique et par plein d’autres genres. »
La rupture avec le conservatoire s’est faite naturellement. « Quand j’ai terminé mon cursus, je suis allée dans cette exploration là, parce que je me voyais pas faire une carrière en classique. Ça reste un genre de sport à haut niveau et je n’ai pas d’endurance, donc… »
Un choix qui l’emmènera jusqu’à la scène de Coachella en 2026, ainsi que sur la tournée de Lorde, dont elle fait la première partie.
Collaborations et contrastes
Sur choke enough, les collaborations avec Casey MQ, Bladee ou A.G. Cook créent des moments de friction créative qui définissent l’album. « Je sais très bien qu’en travaillant avec lui (ndlr A.G. Cook), mon univers va être respecté, mais il va venir ajouter sa touche qui est très identifiable », explique Oklou avec enthousiasme.
Pour elle, ces échanges fonctionnent comme des duos invisibles qui enrichissent sa musique sans la dénaturer. « C’est assez cool qu’on puisse se dire genre ‘Hé, c’est lui !’ Comme un featuring en fait, c’est le même principe, sauf que c’est avec des producteurs. »
Le résultat ? Sa musique « assez douce, assez tendre » se confronte à « des sonorités plus agressives ». « J’étais intéressée par ce contraste-là », résume-t-elle, évoquant cette tension qui fait la signature des titres ict et thank you for recording.
Sur la scène de l’Olympia, elle choisit plutôt d’interpréter plague dogs et blade bird, l’un lampe torche sur le front, l’autre assise à la guitare.

Miki : « Ça va, t’inquiète meuf, t’es en train de gérer. »
La force du collectif
Si Miki n’a pas remporté de trophée, sa performance, stetson vissé sur la tête, déambulant sur scène comme dans sa chambre sur miki cowboy, a réchauffé un Olympia parfois retenu. Mais c’est surtout la solidarité entre artistes qui la touche.
Elle évoque Yoa et Iliona, des complices dans une nouvelle scène féminine, qui s’observent et s’encouragent mutuellement. « Je leur parle très souvent. Franchement, de savoir qu’on est tous un peu des boulets de canon, on trace notre chemin et on se regarde tout le temps aussi de manière parallèle. » Le mantra qu’ils se répètent résonne comme un pacte de bienveillance : « ‘Ça va, t’inquiète meuf, t’es en train de gérer.’ On vit tous un peu la même chose, mais on est ensemble et ça ne changera pas. »
Le regard des pairs
Ce qui rend le prix Joséphine singulier à ses yeux, c’est qu’il soit décerné par ses pairs. « Je pense que les artistes ont la capacité de voir aussi les backstages, la manière dont la musique peut être faite, quelles émotions nous traversent pendant qu’on est en train de créer quelque chose. »
Cette reconnaissance dépasse les questions de notoriété ou de chiffres. « D’avoir une personne qui se dit : ‘t’inquiète pas, j’ai capté que ça, tu l’as fait en ternaire pour déconstruire un peu ce qu’on écoute en ce moment’, c’est d’autant plus flatteur. »
En lice avec l’EP graou, Miki sort à peine 7 mois plus tard son premier album : industry plant. « Ça me fait bizarre, j’ai l’impression que c’était il y a un an que je faisais des concerts seule où j’enchaînais que les sons de graou », confie-t-elle. Elle voit une vraie continuité entre les deux projets : « tout est assez lié, ça fait partie d’une même époque. »

Ino Casablanca : « Je cherche absolument (…) à prendre plaisir dans la vie. »
Le plaisir comme boussole créative
Nommé pour son projet TAMARA, la quête de plaisir a guidé l’écriture de son nouveau projet EXTASIA dévoilé le 10 octobre.
Ce projet qui vient d’être dévoilé cristallise une démarche artistique, une quête d’intensité créative. « C’est le sentiment un peu d’extase, cette sensation que t’as lorsque tu fais ce que tu kiffes. Et moi, c’est la musique », explique-t-il. « C’est un sentiment que je cherche tout le temps à ressentir. »
« Quand je préparais ce projet, j’étais un peu blasé de la vie », admet-il. C’est justement dans ce moment de flottement qu’il a trouvé son fil conducteur : « Je cherchais absolument ce truc de prendre plaisir dans la vie, de s’épanouir. »
EXTASIA, la continuité
Sur la scène de l’Olympia, il interprète trois morceaux de TAMARA, un projet qui annonçait déjà un autre. « J’ai l’impression que le prochain projet est la continuité, peut-être un peu plus abouti. En tout cas, c’est la même démarche : toujours essayer de prendre du plaisir en faisant de la musique », confie-t-il.
Une logique de progression plus que de rupture, qu’il résume ainsi : « Ce n’est pas maintenant que je vais me renouveler ou quoi. J’ai mon identité, j’essaie de la peaufiner, de la développer, de la rendre cohérente avec ma personne. Et comme ça, c’est cohérent naturellement aux yeux des gens. »

Crédits :
Journaliste : Zoé Thouvenin
Photos : Abderahman Lakhal
Lieu : Olympia, Paris