‘No Sign of Weakness’ : Burna Boy, de Lagos à Paris
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Costume Pièces Uniques.
Crédit : Xiaoyi Dai pour Billboard France.
Dans la nuit parisienne, un cortège imposant se faufile vers un studio photo parisien. Une dizaine de personnes – assistants, photographes et collaborateurs – gravitent autour d’une silhouette familière. La porte du studio s’ouvre sur Burna Boy, accompagné de sa sœur Ronami. Figure indissociable de son succès, elle cumule les rôles de manager, styliste, conseillère dotée d’une conviction sans faille. Il y a une forme d’évidence dans son charisme – celle qui fait basculer l’énergie d’un lieu dès que la personne y entre.
Ces dernières années, Burna Boy s’est montré particulièrement prolifique, ne s’accordant que peu de moments de répit. Bien qu’il ait eu des débuts prometteurs en 2012 avec le single Like To Party, un premier album remarqué, L.I.F.E, paru en 2013, c’est à partir de 2017 que sa carrière prend une dimension internationale. Le public mainstream le découvre lors d’une collaboration avec Drake sur More Life en 2017. Il poursuit avec trois albums majeurs (Outside, African Giant et Twice as Tall) tout en enchaînant les featurings bien sentis : Jerusalema (avec Master KG et Nomcebo Zikode) ou encore Be Honest et Location respectivement avec les Britanniques Jorja Smith et Dave. Étudiant à Londres pendant son lycée, puis à Oxford Brookes pendant un bref cursus universitaire, la scène anglaise lui a ouvert ses portes en premier, et il a toujours su bien lui rendre.
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Crédit : Xiaoyi Dai pour Billboard France
“La victoire d’un continent, d’une culture et d’un peuple”
Après avoir rempli La Défense Arena et ses 40 000 places en mai 2023, l’artiste nigérian s’apprête à relever un nouveau défi : le Stade de France, le 18 avril 2025. C’est le point de départ d’une tournée européenne d’une dizaine de dates.
La France tient une place spéciale dans la carrière de Burna Boy. C’est le troisième pays où il est le plus écouté, derrière les États-Unis et le Royaume-Uni. Il compte 8 singles certifiés en France et y a déjà vendu un quart de million d’albums selon le Syndicat national de l’édition phonographique.
« C’est un témoignage de l’évolution de la musique africaine et de son potentiel illimité », confie-t-il, pas peu fier d’être le premier artiste africain non-francophone à se produire dans l’enceinte mythique. « Ce n’est pas seulement une victoire personnelle, mais celle de tout un continent, d’une culture et d’un peuple dont les histoires méritent d’être entendues sur les plus grandes scènes du monde. »
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Crédit : Xiaoyi Dai pour Billboard France
Figure de proue de la musique nigériane
En 2019, il s’autoproclamait African Giant. Aujourd’hui, le titre semble faible face à l’ampleur du triomphe. Le parcours de Burna Boy illustre celui d’un outsider, une ascension fulgurante de Port Harcourt jusqu’aux sommets de la musique internationale. Une percée d’abord anglophone, qui aujourd’hui ne connaît plus de frontière.
Afrofusion, c’est ainsi qu’il nomme ce style qu’il perfectionne depuis ses premiers beats créés sur FruityLoops. Mélange d’Afrobeat, dancehall, R&B, reggae et hip-hop, il se nourrit d’une existence désormais vécue entre Londres et Lagos. Les stades qu’il remplit aujourd’hui dans le monde entier illustrent l’ascension d’un artiste devenu icône globale. Impressionnant par les chiffres d’écoutes (plus de 7 milliards de streams Spotify), son succès croissant démontre une faculté musicale rare. Mais également une capacité à transcender les barrières culturelles tout en portant l’héritage musical de son pays.
Plus d’une décennie après l’avènement de Burna Boy avec L.I.F.E, la musique nigériane s’impose comme une force majeure de la culture populaire mondiale. L’Afrobeats, genre dont il est devenu l’ambassadeur le plus respecté, s’affranchit des limites géographiques, linguistiques et culturelles. La plateforme Vevo rapportait qu’en 2023, les vues des morceaux Afrobeats et Amapiano avaient progressé de 61%, dépassant les 4 milliards. Selon l’IFPI, l’Afrique sub-saharienne est la région dont l’industrie musicale connaît la croissance la plus rapide (seule à dépasser 20% en 2023).
Le Grammy Award de Burna Boy, qu’il conserve précieusement sur une table dédiée chez lui, démontre également un attrait américain nouveau pour le son nigérian. « Ce n’est pas seulement une question de reconnaissance – c’est ce qu’il symbolise. Il représente la capacité à rester fidèle à soi-même, à repousser les limites, et à prouver que la musique africaine a sa place sur la scène mondiale. C’est un rappel que notre culture et notre art méritent les plus grands honneurs.«
Cette reconnaissance américaine nouvelle, il lui rend bien en invitant notamment GZA (rappeur membre du Wu-Tang Clan) en featuring sur le morceau éponyme de son dernier album, I Told Them. Sur ce dernier, il sample sans fard de grands artistes américains (dont Toni Braxton, Brandy, Jeremih). “C’était une volonté. Le sampling est une façon de rendre hommage aux sons qui m’ont façonné tout en créant quelque chose de nouveau. Il s’agit de créer des ponts entre les cultures et de montrer que la musique est un langage universel. Je veux continuer à expérimenter, car on ne peut créer sans se réinventer.”
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Crédit : Xiaoyi Dai pour Billboard France
Le monde anglo-saxon comme leit-motiv
Démarcation originelle que Burna a traversée : celle du Royaume-Uni. Il pose un regard tendre sur tout cet écosystème dont les racines nigérianes s’illustrent également en musique (il cite pêle-mêle J Hus, Dave, NSG, and Not3s). “Ils portent le flambeau à leur manière. Le Royaume-Uni a toujours eu un lien profond avec la musique africaine, et ces artistes mélangent leurs expériences avec les influences de l’Afrobeat pour créer quelque chose d’unique. C’est un merveilleux brassage culturel qui illustre l’influence grandissante de l’Afrobeat.”
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Crédit : Xiaoyi Dai pour Billboard France
Les musiques africaines à la conquête du monde
Le retentissement de la musique de Burna Boy se place dans un mouvement plus vaste. Depuis 2020, l’Afrobeat s’est propagé vers l’Ouest grâce à des succès crossover comme Love Nwantiti (ah ah ah) de CKay ou encore Calm Down de Rema, qui ont dépassé le milliard d’écoutes sur Spotify. Le Nigéria est aujourd’hui le 6ème pays exportant le mieux sa musique, et Burna Boy fait office de figure de proue d’une scène qui a définitivement conquis le monde.
« Ils sont intrépides », parlant de la nouvelle génération d’artistes nigérians. « Ils expérimentent avec les sons, prennent des risques. C’est la preuve que la musique africaine n’a pas de limites. » Alors que le genre gagnait en popularité à l’étranger, davantage d’artistes Afrobeats ont, après le confinement, démarré leurs premières tournées aux États-Unis. Parmi tous ceux-là, Burna s’est produit sur les plus grandes scènes – là où les superstars naissent réellement.
Une consécration presque effrayante, dont se sont emparées quasi immédiatement les stars occidentales. Un constat qui ne fait pas peur à Burna Boy : “Si nous continuons à travailler sérieusement, l’Afrobeat sera encore plus global dans 10 ans, influençant tous les recoins de l’industrie musicale. Le genre va évoluer naturellement. En intégrant de nouveaux sons et idées, mais son essence – nos racines africaines – restera intacte. Je la vois devenir une force dominante qui façonnera la culture pop mondiale.”
Son regard ne se limite pas au Nigéria. Il observe avec intérêt l’émergence des scènes francophones d’Afrique de l’Ouest : » [Elles] sont incroyablement vibrantes et pleines de talent. Les artistes de Côte d’Ivoire, du Sénégal et du Mali créent quelque chose de puissant en mélangeant leurs traditions musicales avec des sons modernes.«
On en profite pour lui demander son regard sur les artistes français en général. La réponse en surprendra plus d’un : “J‘ai toujours eu une admiration pour des artistes comme Stromae, Matt Pokora, Tayc et Aya, pour n’en citer que quelques-uns. Leur capacité à raconter des histoires et à repousser les limites créatives me touche beaucoup. La musique française a une profondeur unique, et elle a influencé ma façon d’aborder ma propre narration.”
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Crédit : Xiaoyi Dai pour Billboard France
Se recentrer sur des émotions brutes
« Quand tu es honnête dans ta musique, les gens le ressentent, qu’importe d’où ils viennent.”. Sa capacité hors norme à transformer ses expériences personnelles en hymnes, à l’image de Last Last, né d’une rupture amoureuse, a joué un rôle crucial dans l’ascension de Burna Boy. Ses morceaux sont empreints d’émotions brutes aux dimensions universelles, expliquant un succès planétaire.
Son prochain projet, peut-être nommé No Sign of Weakness si l’on croit quelques messages cryptiques envoyés à ses fans avant Noël, promet d’explorer de nouveaux horizons, et une spiritualité inédite dans sa musique. « C’est un album qui regarde vers l’extérieur », révèle-t-il. « Il ne s’agit pas seulement de moi, mais de ma vision du monde et de la façon dont mes expériences s’inscrivent dans une perspective plus large. »
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Crédit : Xiaoyi Dai pour Billboard France
Les piliers de sa vie
Il soutient des associations comme R.E.A.C.H. qui interviennent auprès de communautés défavorisées du Nigéria, et a créé le fonds PROTECT qui vient en aide à ceux détenus à tort dans le cadre de violences policières. »J’ai été béni », reconnaît-il, « et je crois que c’est de ma responsabilité d’utiliser ma popularité pour élever les autres. » La politique transpire les morceaux de Burna Boy, notamment à travers ses morceaux “Wetin Man Go Do” et “Another Story”.
« Elles sont mon pilier. » Cette conscience sociale s’accompagne d’un profond sens de la famille. Né à Port Harcourt, au Nigeria, il est issu d’une famille profondément ancrée dans la musique (son grand-père a été le manager de la légende Fela Kuti). Sa mère Bose et sa sœur Ronami jouent un rôle crucial dans sa carrière : « Elles me comprennent non seulement en tant qu’artiste mais aussi en tant que personne, et me poussent à être la meilleure version de moi-même. Travailler avec elles est tellement naturel . Nous partageons un lien et une vision qui vont au-delà du business. Comme dans n’importe quelle relation, on a quelques prises de tête (rires). Mais j’en ressors grandi à chaque fois. »
Alors que ses fans français attendent un show historique au Stade de France, Burna Boy incarne plus que jamais une ère où la musique africaine se place à l’avant-garde des tendances mondiales. Mais c’est presque porté par une vague incontrôlable que son 8ème album arrive, pour une nouvelle fois redéfinir les limites du genre.
Production : Rooom Studio
Chef de projet : Youssef El Moumni
Directeur artistique : Selim Conrad
Photographe : Xiaoyi Dai
Styliste : Alpha
Directrice Fashion : Ronami
Make-up artist : Odile Jimenez
Vidéaste : Remi Proust
Remerciement : Hanna Lhoumeau