Angelo Gopee : « Quand on compare les hausses de billets à l’inflation, nous restons en dessous. »

Angelo Gopee, Directeur Général de Live Nation France
Illustration: Félix Devaux pour Billboard France
Directeur général de la filiale française de Live Nation depuis sa création en 2009, Angelo Gopee est l’une des figures centrales de l’industrie musicale française. En l’espace de 15 ans, il développe le leader mondial du live entertainment dans l’hexagone, à la fois sur le terrain des concerts, mais aussi des festivals avec le lancement de Lollapalooza Paris en 2017.
En 2025, Live Nation est ainsi derrière 9 des 17 concerts organisés au Stade de France : les trois dates évènement de Beyoncé, ainsi que DJ Snake, Stray Kids, Linkin Park et Imagine Dragons. Au-delà des concerts, le producteur s’implique également dans l’organisation des Jeux Olympiques de Paris, le MIDEM ou encore la France Music Week.
Angelo Gopee nous reçoit dans les bureaux de Live Nation France, dans le deuxième arrondissement de Paris. Dans ce long entretien, il revient sur les mutations économique du secteur, l’impact des nouvelles scènes musicales et la place de l’intelligence artificielle dans le spectacle vivant.
De l’indépendance à la création de Live Nation France
Vous vous lancez dans la musique au sein du collectif IZB. Quel impact a-t-il eu sur la suite de votre carrière ?
Dans les années 80, on assistait aux débuts du hip-hop en France. Ce mouvement se divisait en plusieurs branches : le rap, la danse, le graffiti, la beatbox et les DJs. Les premiers à émerger ont été les DJs, puis rapidement les danseurs ont pris leur place. Avec mes cousins, on a décidé de créer un petit groupe de danse. Il a vite grandi, jusqu’à devenir l’un des crews hip-hop les plus importants de la région parisienne.
À cette époque, il y avait peu de soutien pour les initiatives en banlieue, alors on a commencé à organiser des après-midis payantes pour collecter des fonds. Cet argent nous a permis de voyager, d’abord en Europe, puis aux États-Unis. Là-bas, on a rencontré des rappeurs et des managers, ce qui nous a permis de commencer à organiser des concerts en France.
Je viens de banlieue et je resterai un gars de banlieue, on ne renie pas d’où l’on vient.
Tout s’est fait assez naturellement, par passion pour la culture hip-hop. C’est un enchaînement d’opportunités, presque un concours de circonstances, qui a posé les bases de mon parcours professionnel.
S’il n’y avait pas eu le hip-hop, s’il n’y avait pas eu le rap, je ne serais probablement pas là aujourd’hui. Au départ, j’étais professeur de tennis et sans cette culture, j’aurais sans doute continué dans cette voie. C’est grâce au rap et au hip-hop que j’ai découvert l’univers de la musique, des concerts et tout un milieu auquel je n’étais pas destiné, mais que j’ai intégré par passion.
C’est pour cette raison que je mets toujours en avant IZB. Je viens de banlieue et je resterai un gars de banlieue, on ne renie pas d’où l’on vient. C’est là que je me suis forgé, que j’ai appris le respect, les valeurs, l’importance du collectif. Ce sont des bases solides, essentielles pour avancer dans la vie, quel que soit le milieu dans lequel on évolue.
Vous l’avez connu le hip-hop à ses débuts en France et l’avez vu évoluer au fil des 20 à 30 dernières années. Quel regard portez-vous aujourd’hui sur l’évolution de ce mouvement ?
L’évolution est assez simple à résumer : le monde d’aujourd’hui, finalement, est devenu hip-hop. Ce qu’on vivait il y a 30 ans, c’est ce qui domine la culture actuelle. Le rap est aujourd’hui le genre musical le plus écouté. Le breakdance, autrefois marginal, est présent dans les centres nationaux, soutenu par des collectifs et des associations. Le graffiti, quant à lui, a évolué en ce qu’on appelle maintenant le street art. À mes yeux, ça reste du graffiti, avec ses codes et son histoire.
Les DJs qui mixaient dans des soirées hip-hop sont devenus des artistes de renommée mondiale. Snake, par exemple, vient de cette culture. Il a commencé dans le hip-hop, aujourd’hui c’est l’un des plus grands DJs internationaux. C’est un vrai parcours d’élévation, nous pouvons être fiers de cette culture, même si on ne la nomme pas toujours. Elle est devenue dominante, mais souvent on en dissocie les éléments : le rap d’un côté, le graff de l’autre, les DJs ailleurs…
Quand nous portions des bananes, des casquettes, des jeans larges, des baskets, on se moquait de nous. Aujourd’hui, ces codes vestimentaires sont devenus la norme. Celui qui n’a pas de casquette ni de baskets est presque “hors-mode”. C’est une forme de reconnaissance, même si elle est tardive.
Après ce début de carrière en indépendant, comment se déroule votre arrivée au sein de Live Nation ?
En 2009, Live Nation m’a contacté. Jusque-là, ils avaient plutôt l’habitude de racheter de grandes sociétés existantes. Mais cette fois, ils ont fait le choix de repartir à zéro, avec quelqu’un capable de développer plusieurs activités à partir d’une feuille blanche.
On a donc tout construit depuis le début. Au départ, nous n’étions que deux, puis trois. Aujourd’hui, nous sommes 140. Nous avons bâti Live Nation France avec comme idée de représenter la musique actuelle, dans toute sa diversité, dans ses courants, ses genres, et dans son évolution à l’ère du numérique.
Au départ, nous n’étions que deux, puis trois. Aujourd’hui, nous sommes 140.
J’ai eu environ deux ans pour m’installer et structurer les choses. J’en ai profité pour planifier, poser une vision claire, une vision territoriale, autour de la musique, sans forcément passer par le rachat de structures ou de festivals.
L’idée, c’était plutôt de créer nos propres objectifs et de miser sur certains courants musicaux, parfois bien avant qu’ils ne deviennent mainstream. Nous avons été parmi les premiers à investir sur la k-pop, sur la scène afro, sur le reggaeton… Nous avons pris de l’avance. C’est ce qui explique qu’aujourd’hui, nous organisons un peu plus de concerts que les autres, parce que ce sont des courants musicaux qu’on maîtrise et avec lesquels on travaille depuis très longtemps.
Aujourd’hui, Live Nation France pèse près de 300 millions d’euros de chiffre d’affaires (ndlr. 270 millions en 2023), quels sont vos prochains objectifs de développement ?
Ce sont les mêmes depuis cinq ans. Continuer à travailler avec toujours plus d’artistes, développer nos festivals, mais aussi accompagner d’autres types de projets en dehors de la musique live. Nous avons par exemple collaboré sur des défilés, sur les Jeux olympiques et sur beaucoup d’autres initiatives. L’idée, c’est d’apporter notre expertise, notre regard, nos compétences, comme on l’a fait avec le MIDEM. Ce que je veux, c’est contribuer à une filière musicale plus riche, plus autonome, plus créative.

Live Nation France aujourd’hui : Jeux Olympiques, MIDEM, Lollapalooza Paris…
Vous évoquez les Jeux Olympiques de Paris 2024, quel rôle avez vous eu sur cet évènement ? Parallèlement, ils ont eu pour conséquences l’annulation de Lollapalooza et l’impossibilité d’organiser plusieurs dates en raison de la réquisition des stades. Quel bilan en tirez-vous ?
Intrinsèquement, il y a eu un impact direct. Beaucoup moins de concerts organisés, les recettes liées à la SACEM ou au CNM ont diminué. Mais au-delà de ça, il faut aussi voir l’événement dans sa dimension globale et exceptionnelle. En France, nous avons vécu un moment unique, historique, quelque chose qui n’arrive qu’une fois tous les cent ans. Et il faut mesurer la chance d’avoir pu y participer.
Avec Live Nation France, nous avons géré l’organisation et la production des cérémonies d’ouverture et de clôture. Nous avons mis en place toute une logistique, notamment des espaces de répétition dès le mois de mai, dans de grandes salles, des hangars.. Ce que nous avons vécu en termes d’émotion, d’images, de regards dans les yeux du public… c’est extraordinaire.
En début d’année, le PDG de Live Nation, Michael Rapino, communiquait sur un objectif d’au moins 20 nouvelles grandes salles dans le monde d’ici 2026 (stades, arènes, grands amphithéâtres). En juin, le groupe annonçait un investissement d’un milliard de dollars dans 18 nouvelles salles aux États-Unis. La France est-elle concernée ?
La différence entre la France et d’autres pays, c’est que, chez nous, les salles de concert appartiennent majoritairement à des collectivités locales. Nous avons la chance d’évoluer dans un pays qui protège fortement la culture. Beaucoup de lieux, comme les SMAC ou les scènes nationales, ont été construits et financés par l’État ou les régions, les départements ou les villes.
Donc forcément, ce n’est pas un business comme dans d’autres pays. Ces salles sont publiques, et nous ne sommes pas là pour les racheter. Ce n’est ni ma logique, ni mon rôle.
On ne s’est jamais précipités sur les salles, parce que ce n’est pas adapté au modèle français.
Évidemment, si un projet de salle se présente, il faut qu’il réponde à des critères très précis : qu’il n’y ait pas déjà une salle équivalente à proximité, que le territoire présente un vrai potentiel, et que ce soit une réelle opportunité, car cela demande énormément d’investissement, aussi bien en temps qu’en argent.
Nous sommes pas dans une dynamique comme aux États-Unis ou en Allemagne, où l’on peut facilement racheter ou construire une salle dans chaque ville, car le marché est beaucoup plus libéralisé. En France, c’est différent. À part Paris, Lyon, Marseille, Bordeaux… Le potentiel de fréquentation reste limité dans beaucoup d’autres villes. On ne va pas construire une salle de 15 000 places là où il n’y a pas la demande.
Chez Live Nation, cette ligne directrice est claire depuis 15 ans. On ne s’est jamais précipités sur les salles, parce que ce n’est pas adapté au modèle français. Si une opportunité pertinente se présente, on l’étudiera.

Aux États-Unis, mais aussi désormais en Europe, certains artistes semblent désormais privilégier les tournées dans des stades et arènes aux festivals. Quel regard portez-vous sur ce phénomène ?
Je ne pense pas que les artistes privilégient forcément les stades aux festivals. Quand tu es artiste, faire un stade, c’est avoir ton show, ta production, ton univers de A à Z. C’est un moment de tournée très particulier, qui demande une organisation et une mise en scène spécifiques. À l’inverse, les festivals, c’est un autre format, une autre énergie. Ça ne se vit pas de la même manière.
Certains artistes choisissent délibérément de construire leur tournée autour des festivals. Par exemple, Olivia Rodrigo, cette année, a fait le choix de ne faire que des festivals. Pareil pour d’autres artistes comme Justin. Ils n’ont pas entamé un cycle de concerts en salle ou en stade, mais un cycle pensé pour les festivals.
Et à l’inverse, quand un artiste prévoit une tournée des stades, qui, souvent, se déroule l’été, il n’est pas disponible pour les festivals à ce moment-là. Bad Bunny, s’il fait Porto Rico en juillet, ne pourra pas être sur les festivals européens.
Autre tendance, les festivals généralistes, qui dominaient le marché depuis longtemps, semblent rencontrer plus de difficultés que par le passé face à des festivals spécialisés, centrés sur des genres ou des audiences spécifiques. L’observez-vous également ?
Je pense qu’il faut distinguer deux réalités. Il y a les festivals de niche et les vrais festivals de niche. Prenons l’exemple du Hellfest. C’est un événement ciblé, mais qui existe depuis 20 ans. Il a une communauté solide, fidèle, qui y va chaque année, parce que c’est Hellfest.
Nous avons besoin de festivals qui représentent les musiques actuelles. On veut refléter la diversité réelle de ce que les gens écoutent aujourd’hui. Ceux qui choisissent une autre ligne artistique peuvent s’en sortir aussi, mais à condition de coller à l’air du temps. Il faut savoir capter ce que le public veut découvrir, ce qui est en train d’exploser, même si ce n’est pas encore sur tous les radars.
Il y a deux ans, on a programmé STRAY KIDS alors que très peu de gens les connaissaient en France. Aujourd’hui, ils remplissent des stades.
Il y a deux ans, on a programmé STRAY KIDS alors que très peu de gens les connaissaient en France. Aujourd’hui, ils remplissent des stades. Cette année, on fait Lola Young. Quand nous l’avons annoncée il y a quatre mois, personne ne la connaissait. Aujourd’hui, tout le monde parle d’elle comme d’un phénomène.
Shaboozey, on l’a annoncé bien avant qu’il perce aux États-Unis avec la NFL au côté de Beyoncé. On savait que c’était un top artiste en devenir. Même chose avec RAYE, que personne ne connaissait avant qu’elle gagne aux Grammys, aujourd’hui tout le monde la compare à Amy Winehouse.
Un festival comme Lollapalooza Paris a-t-il encore toutes les cartes en main sur les prochaines années ?
Oui, parce que l’on programme des artistes qui résonnent avec le public d’aujourd’hui. On ne construit pas une affiche pour flatter un ego ou rester dans une routine. On met en avant ce que les gens ont envie de voir, que ce soit Tems, RAYE, Benson Boone, Joé Dwèt Filé… Quand on annonce Joé Dwèt Filé, il y a quatre mois, il n’avait même pas encore sorti 4 Kampé. Aujourd’hui il est aussi gros, aussi star, que Tems, RAYE, Guett, et Olivia Rodrigo.
La version française du festival a également développé un volet autour de la food culture…
Nous travaillons avec de grands chefs : Cédric Grolet, Mory Sacko, Alain Ducasse, qui sont venus cuisiner pour le public, pas pour les VIP. Ils ont proposé des plats à 7, 8, 10 euros. Nous avons aussi mis en place une scène hip-hop, un espace qu’on appelle Lolla Planète, dédié aux enjeux sociaux et environnementaux, où l’on vient échanger, écouter, comprendre. Cette année, on a même un espace de détente : yoga, massages, repos… Parce qu’on sait que dans une journée de festival, tu as aussi besoin de couper, de souffler.
Est-ce que tous ces « à-côtés » font aujourd’hui partie intégrante de ce que vous vendez ?
Complètement. Les gens arrivent plus tôt, ils vont dans l’espace détente, ils se font coiffer, une manucure, un massage. Ils vont écouter un set électronique dans une tente, découvrir un artiste hip-hop sur une autre scène, manger un plat signé d’un grand chef. Ils peuvent passer d’une ambiance à une autre, d’une musique à une autre sur le même site. C’est extraordinaire.
Pour la deuxième fois en 2025, vous avez programmé un plateau K-pop à Lollapalooza Paris (avec Seoul Therapy). Aujourd’hui, quel est l’impact de ce registre, mais aussi de tendances comme l’afropop et le reggaeton, sur la billetterie des festivals en France ?
Ces registres-là, ça marche. On fait des concerts complets. Mais aujourd’hui, le public est beaucoup plus éclaté musicalement. Il y a de nouveaux courants qui émergent, certains vont s’intéresser au rock, d’autres à la techno, à l’électro, au reggaeton…
Ce qui a changé, c’est que les jeunes d’aujourd’hui écoutent de tout. Moi, quand j’étais jeune, tu aimais soit le rap, soit le rock, soit la funk. Il fallait choisir. Maintenant, tu peux aimer la k-pop, danser sur de l’EDM, kiffer du rap et finir ta soirée sur du reggaeton. Les jeunes écoutent ce qu’ils aiment, sans se poser de barrières. Et souvent, ils ne comprennent même pas les paroles ! Regarde Bad Bunny : numéro 1 en France pendant dix semaines… Qui comprend vraiment ce qu’il dit ? Peu importe. Ce qui compte, c’est l’énergie, la vibe.
Cette année, vous organisiez également le MIDEM de Cannes pour la première fois, et préparez déjà une édition du 4 au 7 février 2026. Le magazine Challenges, qui couvrait l’évènement, affirmait qu’il consacrait « la domination des producteurs et gérants d’arenas ». Qu’en pensez-vous ?
Le MIDEM, c’était un événement pensé pour toute la filière. Les acteurs du disque étaient moins représentés, non pas parce qu’ils n’étaient pas invités. Peut-être que ce sera différent l’an prochain. Aujourd’hui, tout le monde dit que les concerts font vivre les artistes, plus que les ventes de disques. Dans ce cas-là, comment mieux encadrer les artistes ? Comment mieux encadrer les concerts, les festivals ? Depuis quatre ans, nous constatons une augmentation massive de la consommation de musique, ce qui se traduit par des festivals plus grands, des tournées plus denses. Cela concerne toute la filière. Le MIDEM, c’était avant tout pour réfléchir, pour avancer, et surtout pour agir collectivement, pour le bien-être de nos entreprises.

Le futur du live entertainment selon Angelo Gopee
La période post-Covid a été marquée par une montée en puissance du live : selon le CNM, les recettes de billetterie, le nombre d’entrées et le nombre de représentation ont tous enregistré des hausses de 2022 à 2023, enregistrant des volumes largement supérieurs à 2019. Dans le même temps, le prix moyen du billet a, lui aussi, atteint son plus-haut historique à 41€ en 2023. Comment lire ces évolutions ?
Il y a deux choses à distinguer. D’abord, il y a cette étude récente qui montre que pour les jeunes, le moment collectif préféré, devant le sport ou même la politique, c’est le concert. Ils s’identifient à la musique. Ils y trouvent un espace d’expression, de connexion aux autres.
Quand tu vas à un concert, ce n’est pas juste un show. C’est un moment qui te relie à quelque chose de personnel : un souvenir, un moment de ta vie, un proche, une émotion. Il y a une vraie valeur émotionnelle et aujourd’hui, dans un monde où tout est digitalisé, ces moments physiques prennent une importance décuplée.
Aujourd’hui, quand on va à un concert, on attend du spectaculaire, des effets, des écrans, une scénographie impressionnante. Mais tout cela a un coût.
Sur la question du prix des billets, ce n’est pas qu’une histoire de demande ou de digital. Il faut regarder le contexte économique. Le coût de la vie a explosé ces 15 dernières années. L’essence a doublé en 5 ans. Forcément, le transport, la logistique, les bus, les camions, tout coûte plus cher. C’est pareil pour les matières premières. Tout cela nous oblige, nous organisateurs, à répercuter une partie de cette hausse sur le prix des billets. Mais on essaie de le faire de manière raisonnée.
Quand tu compares les hausses de billets à l’augmentation générale du coût de la vie, nous restons largement en dessous. Nous avons réduit nos marges pour pouvoir rester compétitif.
Plus spécifiquement, on observe un fort écart de prix entre les dates françaises d’artistes internationaux et celles d’artistes français. Comment l’expliquer ?
Il y a beaucoup de frais. Sur une tournée, ce sont parfois 300 personnes qui sont sur la route, qu’il faut rémunérer. Et aujourd’hui, quand on va à un concert, on attend du spectaculaire, des effets, des écrans, une scénographie impressionnante. Mais tout cela a un coût. Les artistes locaux, eux, ne partent pas avec 300 personnes. Ils ont trois, cinq, parfois dix bus, là où les gros artistes internationaux peuvent avoir jusqu’à 30 bus ou 70 camions.
Et quand vous voyez les écrans sur scène, les contenus visuels qui les accompagnent sont souvent développés pendant deux ou trois mois par de grandes sociétés américaines ou canadiennes. Les artistes doivent payer ces équipes. Forcément, tout cela se répercute sur le prix du billet.

Les récents rachats de festivals ou de plateformes, comme Boiler Room par Superstruct, sont assez représentatifs d’une dynamique de consolidation du secteur. Avec Live Nation France, êtes-vous dans une logique de développement autonome ou prêts à saisir des opportunités d’acquisitions ?
S’il y a une opportunité qui se présente et qu’elle celle ci est à la hauteur, pourquoi pas?
Pendant longtemps, le live a été le lieu privilégié de découverte musicale. Est-ce que la bascule vers le numérique a donné ce rôle à la musique enregistrée ?
Ni l’un ni l’autre. Aujourd’hui, un artiste est d’abord découvert par les réseaux sociaux, TikTok ou Instagram. Ensuite, tu vas écouter ce qu’il fait sur une plateforme. Parfois, tu tombes sur lui dans une playlist ou alors tu es régulier sur les sorties du vendredi.
Aujourd’hui, un artiste est d’abord découvert par les réseaux sociaux, TikTok ou Instagram.
Tu ne peux pas savoir quand il est pertinent de faire ta première scène. Tu penses que parce que tu as 50 000 likes sur un post, tu vas avoir 50 000 personnes en salle. Mais non. Ils ont peut-être aimé ta photo, mais pas forcément ta musique.
Il faut tenter. Faire une première date, voir si ça remplit, en combien de temps, qui est ton public, d’où il vient. À partir de là, tu peux construire une vraie fanbase. Et pour ta deuxième date, tu t’adaptes.
Avec la montée en puissance des concerts en arènes et en stades, quel avenir voyez-vous pour les moyennes salles ?
Elles auront toujours leur place. C’est un parcours. Un artiste commence souvent dans des petites salles, passe par les moyennes, les Zéniths, les arénes et, peut-être, les stades. Donc, même s’il y a de plus en plus de grosses salles, parce qu’il y a plus d’artistes, ils passent tous par là au départ. Les salles de 1 500, 2 000, 3 000 personnes, elles sont essentielles. Aujourd’hui, avec le rythme de consommation de la musique, le public veut voir de plus en plus de concerts.
Il y a des artistes très forts, qui peuvent directement remplir un Zénith. Mais pour moi, c’est important de commencer par une petite salle, ne serait-ce que pour garder les pieds sur terre.
Propos recueillis par Nicolas Baudoin pour Billboard France