L’Adami et la Spedidam s’opposent à l’accord entre Universal Music et Udio

Les deux organismes de gestion collective français dénoncent une exploitation des enregistrements d'artistes-interprètes contraire aux droits nationaux et européens.

Anne Bouvier, présidente de l'Adami, et Laurent Lafont, président de la Commission Culture du Sénat, lors de la table ronde « Quel avenir pour le doublage en version française et notre exception culturelle à l’heure de l’intelligence artificielle ? » du Vincennes Film Festival

Crédit : Sabrina Mariez

L’annonce le 29 octobre d’un partenariat entre Universal Music Group (UMG) et le service de création musicale assistée par IA Udio provoque une réaction immédiate en France. L’Adami et la Spedidam, deux organismes de gestion collective français représentant les artistes-interprètes, ont publié ce lundi un communiqué pour affirmer leur opposition ferme à toute exploitation des œuvres des créateurs qu’elles défendent. Cette déclaration concerne également l’utilisation du catalogue français d’Universal Music par la startup.

L’accord entre UMG et Udio prévoit le lancement en 2026 d’une plateforme de création musicale alimentée par le catalogue mondial de la major. Ce partenariat fait suite à un règlement à l’amiable d’un litige sur la violation des droits d’auteur, dont le montant n’a pas été précisé. Il constitue la première collaboration de cette ampleur entre une major et une entreprise d’IA générative.

Exercice du droit d’opposition en amont

Selon l’Adami et la Spedidam, qui représentent plusieurs dizaines de milliers d’artistes-interprètes, cette exploitation ne peut se faire dans le cadre légal actuel. Les deux organismes disent avoir exercé leur droit d’opposition (opt-out) à la fouille des enregistrements par les modèles d’IA. Elles affirment que « les producteurs et les détenteurs de catalogues, à l’instar d’Universal, ne peuvent pas passer outre cette opposition. »

Ce droit concerne l’ensemble des enregistrements protégés, soit ceux réalisés au cours des 70 dernières années. Dans leur déclaration commune, les deux organismes de gestion collective soulignent que l’exploitation de ces enregistrements par des systèmes d’IA générative « ne peut se faire sans l’autorisation contre rémunération de chaque artiste, qu’il s’agisse des artistes dits principaux qui font carrière sous leur nom, ou des musiciens, musiciennes et choristes qui les accompagnent. »

Autorisations individuelles nécessaires

Au-delà de l’opt-out collectif, les deux organismes soulignent ainsi qu’un tel mode d’exploitation requiert des autorisations individuelles. « Ces autorisations font aujourd’hui défaut pour la quasi-totalité des titres protégés« , précise le document.

L’Adami et la Spedidam rappellent que « les lois nationales, les textes européens ou les conventions internationales » donnent « un certain nombre de droits aux artistes-interprètes et aux organisations qui les représentent ». Elles estiment que ces droits ne peuvent être contournés par un accord entre une major et une plateforme d’IA.

Changement de stratégie des majors ?

Cette confrontation intervient alors que l’industrie musicale mondiale semble faire évoluer sa position par rapport à l’intelligence artificielle. D’abord entré en bras de fer avec les entreprises d’IA générative, avec plusieurs actions en justice, Universal semble être la première des majors prête à négocier avec ces dernièes.

En juin 2024, la Recording Industry Association of America (RIAA), qui représente notamment Universal Music, Sony Music et Warner Music, avait entamé plusieurs procédures contre Udio et son concurrent Suno, les accusant d’avoir entraîné leurs modèles sur des œuvres protégées sans rémunérer les ayants droit.

Si Universal stoppe ses poursuites face à Udio (avec toutefois un règlement de la part de la startup) et semble désormais prêt à discuter avec les acteurs de l’IA (comme la dernière note interne de son PDG Lucian Grainge semble le démontrer), ce n’est pas encore le cas des autres majors. Sony Music et Warner Music maintiennent une stratégie offensive face aux startups dans l’IA, et n’ont par exemple pas encore abandonné la procédure judiciaire face à Udio.