Music Tomorrow lève 1 million d’euros pour décrypter les algorithmes musicaux

La startup parisienne veut rendre transparents les systèmes de recommandation qui déterminent la visibilité des artistes sur Spotify, Deezer ou YouTube.

L'équipe de Music Tomorrow

La startup Music Tomorrow vient de boucler une levée de fonds d’un million d’euros pour développer ses outils d’analyse des algorithmes de recommandation musicale. Fondée par Julie Kniebb, ancienne directrice de la stratégie produit chez Deezer et créatrice de la fonctionnalité Flow, et désormais dirigée par Benoit Menet, précédemment manager des projets innovants à la Sacem, l’entreprise revendique d’avoir analysé plus de 2,5 millions de titres en trois ans.

Le tour de table réunit des investisseurs privés, dont plusieurs clubs de business angels (Inovexus, SideAngels, APOK Invest et Bolboreta Innova Group) ainsi que de la dette via Bpifrance et l’IFCIC, à parts égales. La startup compte parmi ses clients Universal Music Group, Warner Music Group, Because Music, tôt Ou tard et la Sacem.

Cette levée doit permettre d’accélérer le développement technologique et de surmonter les limitations actuelles liées aux API des plateformes. L’entreprise prévoit également de développer des agents IA capables d’automatiser l’implémentation des recommandations sur les catalogues.

Une réponse au manque de transparence des plateformes

La création de Music Tomorrow remonte au constat fait par Julie Kniebb lors de son passage chez Deezer. « Il y avait un gap énorme entre les professionnels de l’industrie et leur compréhension de la technologie, à l’époque où le streaming commençait à dominer le marché », explique Benoit Menet, le directeur général de l’entreprise.

La startup analyse comment les algorithmes des plateformes perçoivent chaque artiste en scrappant les données de placement dans les playlists, les associations avec d’autres artistes et la circulation dans les radios automatiques. Cette cartographie de l’« écosystème algorithmique » permet d’identifier les leviers d’optimisation : ajustement des métadonnées, ciblage d’audiences, collaborations stratégiques.

Selon l’entreprise, jusqu’à 30% des budgets A&R et marketing seraient actuellement gaspillés dans des campagnes qui n’atteignent pas les bonnes audiences. Music Tomorrow affirme pouvoir multiplier par 10 les streams sur Discover Weekly de Spotify et réduire de 30% le coût par auditeur pour ses clients.

Un modèle économique dual

Music Tomorrow déploie une double approche commerciale. La première repose sur une plateforme SaaS accessible dès 29 euros par mois, fonctionnant avec un système de crédits permettant d’analyser un artiste. « C’est notre produit d’appel pour l’acquisition de prospects », précise Benoit Menet.

La seconde consiste en des missions d’audit et d’accompagnement « facturées en moyenne 5 000 euros », combinant technologie et expertise humaine. L’entreprise accompagne par exemple tôt Ou tard sur la sortie du nouvel album de collaborations de Vianney, en optimisant sa visibilité algorithmique à travers des recommandations sur le playlisting et le ciblage publicitaire.

Les clients sont principalement des labels et distributeurs, mais également des institutions culturelles. Le ministère de la Culture suisse utilise notamment les outils de Music Tomorrow pour mesurer l’exposition du répertoire local sur les plateformes de streaming. L’entreprise réalise ainsi 60% de son activité en France et 40% à l’international, avec des clients en Australie, au Canada et aux États-Unis.

Des ambitions techniques et commerciales

La levée de fonds doit permettre de résoudre les limitations techniques actuelles. « Quand on travaille avec un label, on scrappe l’intégralité des artistes et de leurs titres. On le fait de manière automatisée, mais on dépend des API, ce qui crée des goulots d’étranglement », détaille Benoit Menet.

L’objectif est ainsi de rendre les recommandations plus actionnables. Music Tomorrow prévoit de développer des intégrations avec les plateformes publicitaires utilisées par les labels et de créer des agents IA capables d’implémenter automatiquement les optimisations sur l’ensemble d’un catalogue.

Prochain objectif de la startup : le marché des fonds d’investissement, qui ont massivement racheté des catalogues musicaux ces dernières années. « Ils ont besoin de comprendre ce qui performe ou sous-performe dans leurs acquisitions. Pour chaque titre, on peut identifier s’il surperforme ou sous-performe par rapport à son genre, sa décennie, sa typologie », explique le co-fondateur.