Justin Bieber, Dua Lipa… Ces artistes poursuivis pour avoir posté leurs propres photos

Justin Bieber photographié le 20 février 2021 au Houdini Estate à Los Angeles
Sami Drasin pour Billboard
En 2022, le chanteur publie sur Instagram un portrait de lui-même, photographié par un paparazzi. Trois ans plus tard, l’agence qui détient les droits de la photo, BackGrid USA Inc, l’attaque en justice. L’entreprise spécialisée dans la vente de photos de célébrités lui reproche d’avoir enfreint la loi fédérale sur le droit d’auteur, sur deux clichés qu’elle revendique.
Il rejoint une liste bien plus longue : Jennifer Lopez, Dua Lipa, Miley Cyrus, Justin Bieber… Ces célébrités ont toutes dû faire face à des procès pour avoir publié des photos d’elles-mêmes prises par des paparazzis. Mais si cette situation est la norme aux États-Unis, qu’en est-il en France ?
Une longue liste de procès
Robin Thicke n’est pas le premier à être poursuivi en justice par BackGrid USA. Un mois plus tôt, l’agence avait déjà lancé des poursuites contre Jennifer Lopez, pour les mêmes raisons. En cause : deux clichés publiés après une soirée qui précédait la cérémonie des Golden Globes.
Miley Cyrus, Gigi Hadid et Justin Bieber ont également chacun fait l’objet de plaintes pour des images capturées dans la rue, puis repartagées sur leurs comptes Instagram sans licence. Dua Lipa, elle aussi, été visée à deux reprises. Une première fois en 2021 pour une photo d’elle quittant un aéroport, une seconde en 2022 pour un cliché pris dans une rue de New York. Les agences ont à chaque fois invoqué une violation volontaire du droit d’auteur. Elles estiment notamment que ces artistes, très exposés médiatiquement et régulièrement confrontés à ces questions de droit d’auteur dans la conception de leurs albums, devaient être au fait des règles. relatives aux photos.
Le droit d’auteur, principe immuable
Aux États-Unis, une photographie est la propriété exclusive de la personne qui l’a prise. Ainsi, aucun consentement du sujet photographié n’est requis, mis à part sur une poignée de lieux considérés comme relevant de la vie privée, comme le domicile du sujet par exemple.
La loi américaine sur le copyright dit que les photographes détiennent les droits d’auteur des images qu’ils prennent, et donc que l’utilisation de ces clichés sans licence constitue une infraction. Le simple fait d’apparaître sur la photo ne confère pas à la célébrité la co-propriété de l’image. « Ce n’est pas parce qu’elles sont le sujet d’une photo qu’elles ont des droits de propriété sur celle-ci », explique Nancy Wolff, avocate au cabinet Cowan DeBaets Abrahams & Sheppard, spécialisée dans les droits d’auteur sur les photos, à Billboard.
Les paparazzis peuvent donc photographier librement les stars dans la rue, puis vendre ces images à des médias ou les publier eux-mêmes. Si la personne visée republie le cliché sans autorisation, elle peut être poursuivie, et ce même si elle est le seul sujet de la photo. Une situation très différente de celle dans l’hexagone…
En France, une loi protectrice pour les sujets photographiés
En effet, le droit français repose sur une distinction importante entre deux notions : le droit d’auteur et le droit à l’image.
Le droit à l’image donne à chaque individu un contrôle sur l’usage de son portrait. Chacun doit consentir à la diffusion de son image. Ce droit est protégé par l’article 9 du code civil, selon lequel » chacun à droit au respect de sa vie privée « . Dès lors, en principe, toute utilisation sans accord peut être sanctionnée, même dans un lieu public.
Mais ce droit n’est pas absolu. Il existe des exceptions à savoir “les photos prises dans un lieu public et qui présentent un caractère d’actualité ainsi que les photos d’une personne célèbre (dite personne publique) ne portant pas atteinte à sa vie privée. »» » explique à Billboard France Véronique Piguet, avocate associée au cabinet Squair. En effet, le droit à l’image des personnes « célèbres » peut être restreint dans l’exercice de leurs fonctions ou de leur activité professionnelle en raison de leur statut et du droit à l’information. Les photos d’actualité et les photos de groupe sont également des exceptions au droit à l’image.
En parallèle, le droit d’auteur défini par le Code de la propriété intellectuelle ne protège une photo que si elle est jugée « originale », c’est-à-dire si elle reflète une intention artistique, un choix d’angle, de lumière ou de composition. Ce critère exclut de nombreuses photos de paparazzis, souvent prises à la volée. Comme l’explique Christophe Rélu, avocat au cabinet Lombard-Baratelli, « une simple photo de Kate et William au ski, sans mise en scène, peut être jugée non originale et donc non protégée par le droit d’auteur ».
Une appréciation subjective est donc faite par les tribunaux, pour juger ou non de l’originalité de la photo, un débat sur la banalité qui n’existe pas avec le copyright américain.
Un marché différent
Aux États-Unis, le marché des photos de stars est lucratif, de part le potentiel mondial de chacun des clichés, alors qu’en France, les enjeux sont moindres. Comme le rappelle Christophe Rélu, « une photo de Julie Gayet n’aura pas la même valeur qu’une photo de Beyoncé ».
Ainsi, peu de procès sont engagés en France, car contrairement aux États-Unis, les préjudices indemnisables ne sont pas suffisants pour couvrir le coût d’une action judiciaire.
Et quand ils sont accordés, les dommages et intérêts sont souvent d’un montant symbolique. Comme l’explique Véronique Piguet « même si la photo est jugée protégeable, si le paparazzi n’avait pas droit de publier une image d’une star, seul un euro symbolique de dommages et intérêts sera demandé ».