Accord Spotify / Universal Music : quelles perspectives pour les éditeurs ?

29/01/2025
Dans cette illustration photographique, on voit un écran de téléphone portable affichant le logo Spotify avec un casque audio placé devant, à Ankara, Turquie, le 1er mai 2024. Dilara Irem Sancar/Anadolu/Getty Images

Dans cette illustration photographique, on voit un écran de téléphone portable affichant le logo Spotify avec un casque audio placé devant, à Ankara, Turquie, le 1er mai 2024.

Dilara Irem Sancar/Anadolu/Getty Images

Des informateurs affirment auprès de Billboard que l’accord entre Universal Music et Spotify est une véritable source d’espoir tant pour la major que pour ses auteurs-compositeurs. Il laisse entendre que Spotify pourrait éventuellement conclure un accord similaire avec d’autres éditeurs américains.

Le dimanche 26 janvier, l’annonce a fait grand bruit : Universal Music et Spotify ont signé un accord direct. Cet accord, qui concerne à la fois le paiement des royalties pour le master et pour les éditions, marque un tournant important. Si la place accordée au masters est primordiale dans l’accord, c’est l’édition qui occupe la majorité des considérations ici.

Cet accord est le premier contrat direct entre un éditeur musical et Spotify depuis l’adoption de la Music Modernization Act en 2019. Il remplace de fait le taux statutaire (régi par le gouvernement pour les redevances mécaniques aux États-Unis) par un contrat privé entre les deux entreprises. Bien que le communiqué de presse commun soit resté flou sur les détails, des sources proches affirment qu’il offre une rémunération plus avantageuse pour Universal et ses auteurs-compositeurs. De plus, il démontre que Spotify pourrait être prêt à tourner la page avec les éditeurs américains dans leur ensemble. Des parts d’ombres subsistent malgré tout. 

En mars 2024, Spotify a reclassé ses abonnements premium, duo et familial en tant que bundles (offres groupées) aux États-Unis, une requalification que les services de streaming peuvent utiliser pour payer des rémunérations réduites sur les œuvres musicales. Cette décision a entraîné un changement significatif : Spotify a commencé à diviser l’argent qu’il versait auparavant uniquement aux détenteurs de droits musicaux américains pour couvrir à la fois la musique et les livres. Conséquence directe, une chute brutale des redevances mécaniques pour le streaming. À l’époque, Billboard estimait que les auteurs-compositeurs et éditeurs américains allaient perdre environ 150 millions de dollars de redevances mécaniques au cours des 12 premiers mois suivant, par rapport à ce qu’ils auraient touché si le bundle n’avait pas été appliqué.

Cet évènement marque alors le début d’une guerre d’un an entre les éditeurs et Spotify, avec en figure de proue la puissante National Music Publishers’ Association (NMPA) (ndlr: en français, l’Association Nationale des Editeurs de Musique). La NMPA a lancé une série de représailles contre Spotify, qui comprenait l’envoi de mises en demeure, le dépôt d’une proposition législative pour réformer la licence statutaire, ainsi que le dépôt de plaintes auprès de la FTC et de neuf procureurs généraux des États. Le Mechanical Licensing Collective (MLC) (Organisation américaine gérant les royalties musicales) a également rejoint la bataille, poursuivant Spotify en mai pour avoir soi-disant « illégalement » transformé ses abonnements en bundles.

Le 29 janvier, dans une annonce au timing surprenant, la plainte du MLC contre Spotify a été rejetée par un juge fédéral, qui considère que la transition de Spotify vers des bundles était conforme à des régulations « sans aucun problème ». Un timing qui se révèle favorable à Spotify : si la décision avait été rendue avant l’accord direct avec Universal, les protestations des éditeurs auraient été beaucoup plus vives (même si quelques protestations sont encore attendues).

Le juge a estimé que la loi était claire et qu’amender les accusations serait futile, bien que le MLC puisse contester cette décision devant la cour d’appel fédérale.

Cependant, comme cette décision est intervenue après l’annonce de l’accord Universal, les éditeurs nourrissent désormais de nouveaux espoirs de trouver une alternative à l’offre groupée de Spotify grâce à des accords directs. Bien que des sources proches de la situation n’aient pas connaissance de négociations en cours entre Spotify et d’autres éditeurs, l’accord avec Universal crée un terrain fertile pour des contrats similaires avec Spotify.

La question centrale est de savoir ce qu’il adviendra des petits éditeurs indépendants. Seront-ils contraints de se contenter du tarif de l’offre groupée initiale tandis que les majors bénéficieront de meilleures conditions ? Cela creusera-t-il l’écart financier entre les éditeurs indépendants et les grands groupes ? Après tout, Universal est le plus grand groupe musical au monde et le deuxième éditeur mondial, derrière Sony. Tous les éditeurs ne disposent pas de ce levier.

Lors de l’annonce de l’accord Universal-Spotify, la NMPA avait confié à Billboard qu’elle maintiendrait sa stratégie contre Spotify et que le MLC en ferait de même. (avant que la plainte du MLC ne soit rejetée). La NMPA a exprimé un avis favorable concernant l’accord, le qualifiant de « bonne nouvelle pour l’ensemble de l’industrie » et affirmant que « cela profite à tout le monde ». Elle a aussi souligné que cet accord marque le retour de Spotify à la table des négociations.

Une question cependant : pourquoi Spotify a-t-il accepté un nouvel accord d’édition avec Universal ? Spotify avait déjà trouvé un moyen de payer moins pour les chansons, alors pourquoi faire cette concession ?

Plusieurs facteurs peuvent expliquer cette décision. D’abord, la NMPA avait effectivement promis de rendre difficile toute initiative future de Spotify tant que le service de streaming ne traiterait pas la question des bundles. La mise en demeure de la NMPA citait un article du Wall Street Journal selon lequel Spotify envisageait d’introduire une fonction remix pour accélérer, mixer et modifier des morceaux. La NMPA avait averti que si Spotify lançait une telle fonction sans les licences appropriées de ses membres, cela pourrait « constituer une violation directe supplémentaire ». La NMPA a réussi à faire comprendre à Spotify que la plateforme avait besoin de la coopération des éditeurs pour lancer une telle fonctionnalité. 

Spotify a également laissé entendre qu’il prévoyait le lancement d’autres fonctionnalités nécessitant l’approbation des éditeurs. En octobre, Spotify a notamment commencé à diffuser des vidéos dans 97 pays.