Universal Music maintient sa position, malgré un ralentissement du streaming

Les résultats financiers dévoilés jeudi dernier s’avèrent largement positifs. Le chiffre d’affaires du groupe a également progressé de 6,4% pour atteindre 11,8 milliards d’euros, conformément à l’objectif de croissance annuelle d’environ 7% fixé par UMG jusqu’en 2028. Toutefois, on observe un ralentissement par rapport à 2023, où la croissance atteignait 11%.
L’EBITDA ajusté (bénéfice avant intérêts, impôts, dépréciation et amortissement) a progressé de 13,8% pour atteindre 2,66 milliards d’euros. Cette performance s’explique notamment par des économies résultant d’une refonte organisationnelle et une croissance continue de l’activité. Une hausse ininterrompue depuis l’introduction en bourse du groupe en 2021, comme l’a souligné Lucian Grainge, PDG d’UMG, lors de la présentation des résultats
Le streaming : signes de maturité et contrastes
Pilier de la croissance d’UMG ces dernières années, le streaming affiche des signes de maturation avec des performances contrastées. Les revenus générés par les abonnements aux plateformes comme Spotify, Amazon Music ou YouTube Music ont augmenté de 8,2% sur un an (9,1% à taux de change constant).
En revanche, les revenus du streaming global de la musique enregistrée accusent un repli de 0,8% par rapport à l’année précédente, tout en affichant une légère hausse de 0,1% à taux de change constant. La direction d’UMG y voit le fruit d’une migration des utilisateurs du modèle gratuit vers les formules payantes, bien plus rémunératrices.
Editions musicales et diversification
La division des éditions musicales affiche une croissance solide de 8,4% (9,0% à taux de change constant), générant un chiffre d’affaires de 2,12 milliards d’euros et un EBITDA ajusté en hausse de 8,7% à 511 millions d’euros. Les revenus numériques ont progressé de 12,4% pour atteindre 1,26 milliard d’euros, représentant désormais 60% des revenus de la branche éditions. Les revenus issus des synchronisations ont légèrement baissé de 0,4% à 253 millions d’euros.
Lucian Grainge a mis en avant les performances exceptionnelles de plusieurs artistes UMG en 2024, notamment « les deux plus grandes révélations de l’année » : Sabrina Carpenter et Chappell Roan (lauréate du Grammy du meilleur nouvel artiste), toutes deux signées sur le label Island. Parmi les autres artistes ayant contribué significativement aux résultats figurent Taylor Swift, Billie Eilish, ainsi que la bande originale du film « Wicked ».
« Streaming 2.0 » et territoires inexplorés
Pour dynamiser ses performances, Universal Music mise sur plusieurs axes stratégiques :
- Le développement du streaming 2.0, présenté comme « une nouvelle ère d’innovation, de segmentation des consommateurs, d’expansion géographique, d’augmentation de la valeur pour les consommateurs et de croissance de l’ARPU (revenu moyen par utilisateur) pour la musique par abonnement ».
- Des investissements dans des marchés internationaux en hypercroissance, notamment via les acquisitions de Mavin Global (Nigeria) et Outdustry (Chine/Inde) ainsi que l’investissement stratégique dans RS Group (Thaïlande).
- Le développement des artist services et label services, notamment avec l’acquisition des parts restantes de [PIAS] et également l’acquisition de Downtown Music Holdings pour 775 millions de dollars (environ 750 millions d’euros) .
Lucian Grainge a souligné lors de la présentation : « C’est le pouvoir d’attraction de notre musique, de nos catalogues et notre présence mondiale qui nous permet de véritablement construire cet écosystème. »
UMG développe également plusieurs initiatives d’intelligence artificielle qualifiées de « responsables », incluant des collaborations avec Klay Vision Inc., SoundLabs et ProRata.ai, avec d’autres partenariats en cours. Le groupe a aussi publié, en collaboration avec Roland Corporation, des « Principes pour la création musicale avec l’IA ».
Une restructuration et un actionnariat toujours complexe
Les bons résultats d’UMG ont également été favorisés par une « refonte stratégique » qui s’est traduite par le licenciement d’environ 10% des effectifs au cours de l’année 2024.
Côté actionnariat, la famille Bolloré reste le premier actionnaire d’UMG avec 17,85% du capital, suivie par le groupe Vivendi (également contrôlé par la famille Bolloré) qui détient 9,9%. Pour Vivendi, qui a récemment opéré une scission en quatre entités distinctes (Canal+, Havas et Louis Hachette Group), UMG représente désormais sa participation principale, valorisée à près de 4,5 milliards d’euros dans les comptes du groupe au 31 décembre 2024.
En excluant les éléments exceptionnels liés à cette scission, Vivendi a dégagé un bénéfice net ajusté de 111 millions d’euros en 2024, contre 336 millions l’année précédente.
L’aptitude d’Universal Music Group à pérenniser sa progression dans un marché du streaming qui donne des signes d’essoufflement est au coeur de sa stratégie. La réussite de sa diversification autour des offres premium, de la valorisation des « superfans » et de son déploiement international fera l’objet d’une attention toute particulière dans les mois à venir, alors que le géant de la musique semble déjà anticiper l’ère post-streaming traditionnel.