Aya Nakamura : fierté française, icône mondiale

Marion Gomez pour Billboard France
Comment se réinventer après s’être imposée, en moins d’une décennie, comme l’une des clés de voûte de la scène musicale française avec plus de 6 milliards de streams et 24 certifications diamant (16 en France, 8 à l’international) ? “Je me suis déjà posé cette question”, confie Aya Nakamura.
“Ma réponse, c’est que quand tu es artiste, tu es censée évoluer. Sinon, tu ne vis plus ta musique. Je pense qu’à partir du moment où t’assumes ta personnalité, où tu arrives encore à vivre, à ressentir des émotions, il n’y aura pas de soucis pour renvoyer des énergies dans ta musique… En tous cas, quand tu es passionnée.”
À 29 ans, la chanteuse a déjà fait le tour de la planète avec ses hits, à tel point qu’elle devient l’évidente ambassadrice de la musique francophone lors des Jeux olympiques de Paris.
“Je me demande si j’aurais pu faire la même chose en étant née 20 ans plus tôt”, commente-t-elle. “En tout cas, ça n’aurait pas été aussi facile… Aussi parce qu’il y a quelque chose de nouveau, une femme noire qui veut chanter avec un style totalement différent et assumé sans attendre qu’on lui ouvre toutes les portes et en s’adressant directement à son public par d’autres canaux.”
Désormais indépendante, Aya Nakamura ouvre un nouveau chapitre de sa carrière et annonce sa première signature…
Billboard, c’est un magazine qui touche l’industrie, les gens du milieu de la musique. C’est une marque statutaire pour un artiste.
Une ascension fulgurante
Née à Bamako, au Mali, la jeune Aya arrive en France quelques mois plus tard. Issue d’une famille de griots, elle grandit à Aulnay-sous-Bois dans un environnement où la musique est déjà présente.
“C’est un peu spécial, parce que ma mère était chanteuse et aurait beaucoup aimé avoir une carrière. Aujourd’hui, c’est moi qui le fais à sa place, comme une espèce de revanche pour elle. J’ai envie d’aller jusqu’au bout, et j’espère que ça peut inspirer d’autres femmes à réaliser des projets pour elles-mêmes.”
C’est en 2014 qu’elle se lance véritablement, en publiant son premier titre, Karma, sur Facebook. Fan de la série Heroes, elle emprunte le nom d’un des personnages, Hiro Nakamura, pour créer son nom de scène.
Le tournant s’opère en 2017 avec son premier album Journal Intime, aujourd’hui certifié disque de platine. Fraîchement signée au sein du label Rec. 118 (Warner Music France), Aya Nakamura y pose les jalons d’un style qui deviendra sa signature et rend hommage à ses racines sur le titre Oumou Sangaré. “En ce moment, je pense de plus en plus à le faire de nouveau…”, commente-t-elle.

Yves Salomon, David Yurman, Mellerio, Levi’s, Timberland
Consécration olympique
C’est en 2018 que la chanteuse prend une dimension internationale avec la sortie de Djadja. Le titre se classe en tête des charts français pendant deux semaines consécutives et franchit les frontières européennes. Aux Pays-Bas, pour la première fois depuis Édith Piaf en 1961, une chanson francophone interprétée par une femme prend la tête des ventes.
Ce succès fulgurant se confirme avec la sortie de son deuxième album, Nakamura, en novembre 2018. Propulsé par des singles certifiés diamant comme Copines, La dot et Pookie, l’album devient un phénomène commercial sans précédent pour une artiste francophone : disque de diamant en France, double disque de diamant à l’export, il est aujourd’hui l’album francophone le plus écouté de l’histoire sur Spotify avec plus de 2 milliards de streams.
J’ai envie d’aller jusqu’au bout, et j’espère que ça peut inspirer d’autres femmes à réaliser des projets pour elles-mêmes.
Poursuivie avec deux autres albums, AYA et DNK, la trajectoire d’Aya Nakamura trouve son apogée symbolique le 26 juillet 2024 sur le pont des Arts, pour la cérémonie d’ouverture des Jeux Olympiques de Paris. Accompagnée par des musiciens de la Garde républicaine et le Chœur de l’Armée française, elle réalise le pic d’audience le plus important jamais enregistré à la télévision française avec 31,4 millions de téléspectateurs.
« On me dit souvent ‘iconique.’ J’ai mis 6 mois à me rendre compte de ce que j’avais fait. Sur le moment, tu avances, tu as la tête dans le guidon et tu travailles très dur pour délivrer quelque chose dont tu es satisfaite. Ensuite, quand tu prends du recul sur ce qu’il s’est passé, l’impact, les polémiques… On dirait un film. À la fin, j’ai le sentiment d’avoir réussi.«
23 février 2025, nouveau record : le clip de Djadja dépasse le milliard de vues sur YouTube, devenant la quatrième chanson francophone à atteindre ce palier, et également la première d’une artiste africaine à franchir ce cap.
Prochaine étape, le Stade de France ? “Oui, mais pas tout de suite”, répond-elle. « J’ai envie de prendre encore mon temps. J’ai la sensation qu’en France, c’est l’étape finale et j’ai encore envie de partager d’autres shows avec mon public avant de vivre ce grand moment. »

Yves Salomon, David Yurman, Mellerio, Levi’s, Timberland, Calvin Klein
La musique sans frontières d’Aya Nakamura
« Je ne me suis pas rendu compte tout de suite que j’avais ce public international, ça a vraiment été crescendo. On me disait déjà ‘tu es écoutée partout dans le monde’, mais c’est en échangeant notamment avec mes fans sur les réseaux sociaux ainsi qu’en tombant sur des vidéos que j’ai pris conscience de cela. Je suis tombée sur des comptes fans au Brésil, au Venezuela… Je voyage aussi et j’entends ma musique partout, aux États-Unis, en Thaïlande. Mais je ne pense pas ma musique forcément en fonction d’un territoire ou d’un autre, j’essaye juste de proposer quelque chose que je ressens et tant mieux si ça peut voyager le plus possible. »
Cette dimension internationale se manifeste également dans ses collaborations. Après un remix de Djadja avec le Colombien Maluma en 2020, elle s’associe à la star nigériane Ayra Starr pour une version revisitée de son tube Hypé en mars 2024. Un morceau qui s’est hissé à la 17ème place des classements britanniques selon OCC, performance rare pour un titre chanté majoritairement en français.
J’aime bien écouter Asake, Burna Boy, Brent Faiyaz, Tems et K-Reen. Aux États-Unis, j’aime aussi SZA, Frank Ocean et Miguel.
« Je pense que la musique est une énergie. Les titres qui ressortent le plus sont souvent ceux où j’exprime le plus possible ce que je ressens à l’intérieur, les gens ne les écoutent pas uniquement pour les paroles… Un peu comme quand j’écoutais des artistes comme Rihanna sans comprendre tout ce qu’elle chantait, quand j’étais plus jeune. Ce qui a touché les gens qui ont entendu certaines de mes chansons, c’est mon énergie à ce moment précis, mais aussi le mélange qui est ancré en moi et qu’on peut ressentir.«
Cette sincérité, associée à son style vocal distinctif et à une langue française qu’elle façonne à sa manière, forge une identité artistique immédiatement reconnaissable.
« Je ne sais pas si c’est cela qui contribue à les rendre universelles, mais je pense que la sincérité que j’y mets, la recherche constante de nouveauté, ne pas forcément vouloir surfer sur des tendances, mais proposer des choses dont je suis 100% satisfaite et ne faire aucune concession sur l’artistique, c’est peut-être ce qui fait que ça parle aux gens. J’essaie de suivre mon instinct, mes envies artistiques tout en gardant un niveau d’exigence élevé. »
En février 2025, Aya Nakamura crée la surprise en dévoilant Chimiyé. Le single marque une rupture dans sa discographie. En collaboration avec Alpha Wann et l’équipe Don Dada (JayJay, Selman et StillNas), elle se livre à une exploration inédite du R&B et même du parlé-chanté.
“Je m’étais donnée ce challenge de faire un son plus rap, sans être une rappeuse. Je pense que c’est ce qui m’a poussé à sortir de ma zone de confort. J’aime bien dénoter un peu, par toutes les personnes avec lesquelles je travaille. Certains de mes producteurs n’écoutent pas forcément ma musique, ça permet de s’amuser. Sans ces rencontres, j’aurais jamais sorti des morceaux comme Djadja ou Pookie.”
De la musique à la mode
Son impact culturel dépasse désormais le cadre musical. En février 2023, Aya Nakamura devient l’égérie internationale de Lancôme, marquant son entrée dans le monde très sélectif des ambassadrices de marques de luxe. Une consécration qui lui ouvre d’autres portes.
Le 6 mai 2024, elle reçoit l’invitation tant convoitée au Met Gala à New York, devenant seulement la sixième personnalité française du monde musical à fouler ce tapis rouge légendaire, après Catherine Deneuve, Vanessa Paradis, Lou Doillon, Charlotte Gainsbourg et Carla Bruni.
Le 23 juin 2024, c’est Anna Wintour en personne qui la choisit pour interpréter son single Fly lors du prestigieux Vogue World Paris, place Vendôme, vêtue d’une robe haute couture Jean-Paul Gaultier. Elle se confie : « J’aime beaucoup la mode et l’univers créatif que cela représente. Je prends de plus en plus de plaisir à m’y intéresser. J’ai adoré pouvoir performer sur la place Vendôme et participer à ce mélange musique – mode, je me suis sentie très à l’aise et j’ai trouvé l’ensemble du rendu de cet évènement vraiment très qualitatif. »

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Désormais indépendante
En parallèle de cette reconnaissance institutionnelle, Aya Nakamura a choisi de prendre en main son destin professionnel. Elle franchit le pas décisif de l’indépendance en créant son propre label.
« C’est autre chose. Pour être honnête, je me suis toujours sentie indépendante, surtout au niveau de la direction artistique. Je m’implique énormément dans l’ensemble des décisions stratégiques liées à cela comme par exemple les choix des singles, leurs dates de sorties, les clips, les prods avec lesquels je travaille… Devenir indépendante m’a apporté une autre vision du business, je peux prendre l’ensemble des décisions et les assumer par la suite, peu importe qu’elles soient liées à des succès ou non. Je suis quand même entourée et je sais lâcher prise, mais maîtriser tout le processus autour de la musique, en plus de la création pure est quelque chose de passionnant. C’est important pour moi. »
Il faut écouter son intuition et rester concentré. Je pense que c’est la seule chose qui fait que tu avances. Il faut se faire confiance et être sincère dans sa proposition artistique.
Cette démarche d’émancipation l’a également conduite à devenir une découvreuse de talents. « J’en ai déjà signé un, mais personne ne le sait encore : RnBoi. Il est jeune, à ses débuts, et ça se passe très bien. Ça s’est fait il y a quelques mois, après l’avoir invité à mon DVM Show. Je me suis lancée, je trouve qu’il a quelque chose de différent. »
La vie privée comme équilibre
Derrière l’icône se cache une jeune femme et une mère de deux filles. Concilier une carrière internationale et la maternité représente un défi quotidien qu’elle relève avec détermination.
« Pour être totalement honnête, c’est un peu compliqué avec la célébrité, mais mon équilibre c’est aussi essayer le plus possible de vivre comme une personne normale. Par exemple, je vais au parc avec mes enfants, je cuisine pour eux, ces moments sont précieux pour moi. Ce n’est pas toujours facile et j’essaye parfois d’être discrète pour avoir une vie un peu normale, car je tiens absolument à garder cette liberté et à avoir des moments que je vis pleinement, éloignés de la célébrité. »
Malgré les contraintes de cette célébrité, elle refuse de s’enfermer dans une bulle. « Ah oui bien sûr, je me fais plaisir, je sors ! Je suis jeune, quand même… Quand tu es artiste, il faut faire attention à ça et savoir se prioriser en tant que personne aussi !«
Propos recueillis par Nicolas Baudoin et Ulysse Hennessy pour Billboard France
Production : Billboard France
Photographe : Marion Gomez, représentée par Frenzy
Styliste : Ayoub Agourram
Chef de projet : Youssef El Moumni
Graphiste : Maxence Micaelli
Studio : Rooom
Make-up artist : Carina Châtel
Coiffure : Candy Brown
Remerciements : Samuel Sam, Nicolas Hoyet (I’m PR), Yoan Prat
