Les musiques électroniques pèsent 12,9 milliards de dollars en 2024

Mark Mulligan à l'IMS Ibiza 2025
Juan Sabatino
Le coup d’envoi de la conférence annuelle IMS Ibiza a été donné ce 23 avril sur l’île éponyme. Pendant trois jours, professionnels, artistes et observateurs du monde entier se réunissent pour discuter, débattre, écouter et analyser les tendances de la scène et de l’industrie électronique.
Comme chaque année, la première journée a été marquée par la présentation du rapport économique IMS, rédigé par Mark Mulligan (MIDiA Research), qui dresse le bilan de l’année écoulée. Pour cette onzième édition, Mark Mulligan met en lumière le fossé grandissant entre la stagnation des revenus des clubs et festivals d’un côté et la vitalité de la scène électronique, aussi bien en ligne que sur le terrain, de l’autre.
Voici les 11 enseignements clés du rapport 2025.
1. Le streaming explose dans les pays du Sud
Le rapport indique que si les revenus du streaming ne progressent que de 6 % en 2024, le nombre d’abonnés, lui, bondit de 12 %. Près de 80 % de cette croissance provient des pays du Sud, une région regroupant l’Afrique, l’Amérique latine, les Caraïbes, l’Asie et l’Océanie. Mark Mulligan insiste sur l’importance de ce chiffre : selon lui, cette expansion va nourrir des scènes musicales locales puissantes, qui finiront par influencer l’Occident.Spotify conserve la tête du marché avec 32 % de parts et plus de 250 millions d’abonnés dans le monde. De son côté, YouTube Music est la seule autre plateforme à avoir connu une forte croissance, atteignant 10 % de parts.
2. La musique électronique reste un pilier
Dans neuf des treize plus grands marchés, la musique électronique figure en tête ou à la deuxième place des genres les plus suivis sur Spotify, devant le hip-hop, la musique latine ou le rock. Même si la croissance du hip-hop et du reggaeton est plus marquée dans certains pays, l’électro affiche une progression plus homogène à l’échelle mondiale.
L’Allemagne, l’Australie, les États-Unis et le Royaume-Uni demeurent les poids lourds du genre, mais le Mexique a enregistré une croissance spectaculaire de 60 % en 2024.
3. Les fans de musique électronique dépensent souvent plus
Mark Mulligan rappelle l’importance des scènes locales qui restent essentielles dans le développement de la musique électronique. À ses yeux, ces scènes pèsent davantage que les vues ou les chiffres sur les réseaux. Il parle de la culture comme du « carburant du moteur » : c’est elle qui fait naître les revenus, les écoutes et les communautés.
Sur l’île, le nombre moyen d’événements par lieu est en légère baisse. En revanche, les prix des billets ont continué de grimper, ce qui permet d’augmenter les recettes malgré une fréquentation légèrement en retrait. Pour Mark Mulligan, il y a une limite : « On finira par atteindre un point où les gens diront : ‘Je ne peux juste plus me le permettre.’ »
5. L’afro house poursuit son envol
L’afro house connaît une croissance fulgurante cette année. Même constat pour la drum and bass, qui vit une véritable renaissance. Les données de Loopcloud, plateforme de samples, montrent une forte hausse des téléchargements liés à la musique africaine.
6. Plus le monde est dur, plus la musique l’est aussi
Selon le même sondage, les genres « durs » (hardcore, hard dance) progressent nettement, tandis que les styles plus doux (ambient, chill) reculent. Pour Mark Mulligan, la musique reflète le climat mondial : conflits, famines, inégalités. Tout cela imprègne naturellement les productions et les écoutes.
7. Les hashtags électroniques explosent sur TikTok
Le rapport relève une hausse de 45 % des hashtags liés à la musique électronique sur TikTok, avec un boom notable pour l’amapiano et la trance. Pour Mark Mulligan, ces signaux culturels sont presque plus révélateurs que les revenus eux-mêmes.
8. SoundCloud reste un baromètre culturel fort
Sur SoundCloud, les écoutes de UK garage doublent et ceux de jungle augmentent de 45 %. Ces genres, très prisés par la génération Z et Alpha, fleurissent sur la plateforme via des remixes souvent non officiels, impossibles à diffuser ailleurs. Selon Mark Mulligan, c’est ici que la culture vit et évolue.
9. Les investisseurs s’intéressent de plus en plus aux catalogues électroniques
Jusqu’ici, les investissements se concentraient surtout sur des figures comme Bob Dylan. Mais entre 2020 et 2024, la part des deals concernant des artistes électroniques a doublé. Parmi les plus récents, on retrouve Kevin Saunderson, Tiga et Deadmau5.
10. Le déséquilibre hommes-femmes persiste
Dans la production et les événements, les hommes restent largement majoritaires. Toutefois, la part des femmes augmente doucement. Les données d’AlphaTheta montrent une progression constante du nombre de femmes DJs, portées notamment par une visibilité croissante des artistes féminines en haut de l’affiche.
11. L’industrie électronique pèse 12,9 milliards de dollars en 2024
Le chiffre englobe les concerts, festivals, ventes physiques et numériques, droits d’auteur, sponsoring, matériel, logiciels et plus encore. Cette somme représente une croissance de 6 % par rapport à 2024. Si ce n’est pas beaucoup, il faut tenir compte du ralentissement des revenus live. Ce qui est sûr, c’est que la culture explose. Avec 600 millions de nouveaux abonnés sur les réseaux liés à l’électro, les fondations sont solides pour les années à venir.