Fnac Live 2025 : « La gratuité est encore plus importante aujourd’hui. »

Le Fnac Live faisait son grand retour cette semaine à Paris sur le parvis de l’Hôtel de Ville et dans ses salons. Du 2 au 4 juillet se sont produits St. Vincent, Miossec, mais également Eddy de Pretto, Olivia Ruiz, Air, Zamdane ou encore Adèle Castillon.
Cette année, ce sont plus de 75 000 spectateurs qui sont venus assister au festival gratuit en plein cœur de Paris. Pour ce retour réussi, Billboard France a interrogé Cécile Trunet-Favre, directrice de la communication de la Fnac depuis 2021, en charge notamment de l’action culturelle de la Fnac.
Cette édition 2025 est particulière, car elle marque le retour de la Fnac sur la place de l’Hôtel de Ville, après un an de pause, et une édition 2023 tronquée. Quelles ont été les défis logistiques d’un tel retour ?
Depuis 13 ans, nous sommes sur le parvis de l’Hôtel de Ville, qui était dédié aux JO. 2024 n’était donc pas vraiment une édition annulée mais plutôt une question logistique. Nous avions envisagé d’avancer en juin ou septembre. Cependant, cela créait des complexités inédites. Nous avons dû réorganiser tout le partenariat musique en adéquation avec notre action pour les Jeux Olympiques et reporter toute l’action musique de l’été sur des concerts. Dès le début de l’année, nous savions donc que le Fnac Live ne se tiendrait pas en 2024.
En 2023, nous avons fait face à une autre problématique. Nous avons dû sécuriser via des agents de la police municipale, appelés à sécuriser l’endroit. Suite à la mobilisation des forces de l’ordre, nous n’avions plus le nombre de CRS requis. Nous n’avons pas été les seuls à devoir annuler puisque Mylène Farmer a également annulé le vendredi à cause des émeutes.
Est-ce que l’existence d’un festival gratuit est devenue d’autant plus essentielle, alors que l’augmentation des prix des billets de festivals a dépassé l’inflation en 2024 ?
Depuis 70 ans, la Fnac propose des événements gratuits. Je suis convaincue que c’est un pied à l’étrier incroyable pour une consommation de spectacle vivant, notamment pour les nouvelles générations. Nos spectateurs les plus jeunes ont 15 ans. Ces derniers vivent souvent leur première expérience de spectacle vivant et sont plus enclins à dépenser ensuite pour un concert en salle. Les plus grands consommateurs de vinyles rap sont les 15-25 ans, donc c’est une cible importante pour nous.
Les artistes acceptent-ils de réduire leurs cachets pour performer au Fnac Live, de par la gratuité du festival ?
Pas vraiment : ce sont de vrais cachets de festival, des cachets normaux. Cependant, nous tenons à souligner qu’ils sont loin de ceux pratiqués par certaines marques lors d’opérations marketing, qui ont d’ailleurs été de plus en plus nombreuses ces dernières années. Elles ont eu un effet pervers : celui de faire monter les prix de l’ensemble des cachets. Si elle ne bouge pas le prix des cachets, la gratuité est un point sensible pour certains artistes, qui reviennent plus facilement au festival. C’est le cas notamment chez certains rappeurs. Par exemple, Alpha Wann était revenu au Fnac Live, parce que c’était gratuit. Il souhaitait que son retour sur scène se fasse ici. Ca a d’ailleurs été un des concerts les plus marquants du Fnac Live ces dernières années.
Comment est réparti le financement du festival entre la Fnac, les marques partenaires et les institutionnels ?
Le festival est co-produit par la Fnac et la Ville de Paris. Si la Fnac apporte le soutien financièrement, la Ville de Paris rend le festival possible en mettant à disposition ces deux lieux majestueux en plein cœur de Paris que sont la Place de l’Hôtel de Ville, ainsi que les salons de la Mairie de Paris. Elle nous offre également la sécurisation de l’ensemble du festival.
La Fnac a financé seule pendant très longtemps. En effet, le festival s’inscrit dans nos budgets et équipes dédiées à l’action culturelle, afin de faire vivre l’ADN de la Fnac, à l’instar par exemple du Goncourt des lycéens que nous organisons pour le livre.
En 2024, avec les JO, nous nous sommes rendus compte que nous pourrions donner au festival une nouvelle ampleur, en piétonnisant l’avenue Victoria. Nous l’avons habillé avec des partenaires, qui paient pour être présents et proposer des expériences festival. Là où auparavant, c’était juste une scène sur la Place de l’Hôtel de Ville, maintenant il y a un village des marques.
Quelle était l’ambition derrière la line-up du Fnac Live 2025 ?
La line up doit s’adresser à tous les publics, et mixer émergence et confirmés – c’est ça qui permet la découverte. Nous avons un public très Fnac : des jeunes, et des moins jeunes (rires). Par exemple, lors de la soirée des 70 ans du label Barclay, nous avions Marc Lavoine, Bernard Lavilliers face à un mix de générations. Quand Dalí joue, c’est un public jeune qui arrive en courant sur le parvis. Avec Air, c’est plus mature.
Le Fnac Live a souvent réussi à programmer des artistes certifiés juste avant leur explosion ou pile après. Quel est le secret pour surfer la vague avant les autres ?
Pas de recette miracle ou magique – c’est la dimension humaine. Nous avons des disquaires passionnés de musique comme Stéphane Henninot, dans la musique depuis 30 ans. Ils ont un œil exercé, une appétence, l’envie de découvrir les choses et sont connectés aux réseaux de magasins.
Par exemple, Zaho de Sagazan est aujourd’hui une star, mais il y a trois ans, elle jouait encore dans une mini salle au Divan du Monde et était programmée au Fnac Live. On l’a fait jouer dans les salons pour 600 personnes et elle a ensuite fait toute une tournée des Fnac. Cela crée un lien fort avec les artistes – quand elle a eu ses quatre Victoires de la Musique, le lendemain elle est venue à la Fnac des Ternes. Même chose pour Eddy de Pretto : premiers pas au Fnac Live et tête d’affiche désormais.
La Fnac a-t-elle déjà eu la volonté d’exporter le festival à d’autres villes que Paris ?
Oui, le Fnac Live existe à Madrid et à Lisbonne. La Fnac est présente en Suisse, France, Belgique, Espagne, Portugal. Nous avons donc désormais un Fnac Live dans 3 de nos 5 pays (rires). À Lisbonne, c’est orienté sur la musique locale, donc une programmation 100% portugaise et très familiale. Le festival se déroule début juin dans les jardins de Belém, un grand parc. À Madrid, c’est un festival plus court, plus international également avec des têtes d’affiche européennes programmées.
Comment le festival parvient-il à toujours donner de la visibilité aux talents émergents ?
Au départ, en 2004, la Fnac a proposé de faire découvrir des talents lors de Paris Plage avec Fnac Indétendances. On voulait profiter de cet événement parisien pour faire du flux, se greffer à un événement populaire. Nous créons un lien aux artistes en les programmant d’abord dans les salons, puis ils font toute une tournée des Fnac. Ils croient beaucoup à la découverte.
Quelles sont les manières pour le festival de conserver son ambition de réduire au maximum son empreinte écologique ?
En premier lieu, en tant que festival urbain, l’impact est moindre car il n’y a pas de déplacements longs. Être en plein centre de Paris facilite l’accès en transports doux et la plupart des festivaliers viennent en vélo ou en métro. Concernant les décors, plastiques, bois, nous avons une filière décoration et économie circulaire, qui permet la réutilisation de la matière première.
Pour une marque comme la Fnac, cet événement culturel est-il quelque chose d’essentiel pour se positionner en tant qu’acteur majeur de la musique en France ?
Absolument, c’est essentiel pour faire vivre l’ADN de la Fnac. Dans le cadre de nos budgets action culturelle, nous organisons des événements qui maintiennent notre légitimité musicale. C’est particulièrement important quand on sait que les plus grands consommateurs de vinyles rap sont les 15-25 ans.
Peut-on s’attendre à une célébration des 20 ans du festival cette année, l’édition 2024 ayant été annulée ?
C’est un double anniversaire : 70 ans de la Fnac + 20 ans de Fnac Indétendances. Malgré la pause 2024, cette célébration reste d’actualité. Le festival a su traverser les épreuves pour revenir avec l’ambition intacte.