On a suivi J.I.D au défilé S/S 26 de Yohji Yamamoto

Crédit : Abderahman Lakhal pour Billboard France
Quelques heures avant le début du show, nous rencontrons J.I.D dans l’Hôtel Westminster. Pour l’occasion, un plateau de tournage est aménagé à l’improviste au sein de la salle à manger de l’établissement, entre deux services.
Le rappeur se livre sur son rapport privilégié avec Yohji Yamamoto, créateur japonais qui a débuté à Paris en 1981, et qui reste une des attractions principales de la Fashion Week, 44 ans plus tard. Son œuvre, son processus créatif ou encore le God Does Like Paradise Tour qu’il s’apprête à lancer le 15 octobre prochain à Virginia Beach : autant de sujets qui traversent l’esprit du rappeur pendant cette entrevue.
Dès l’entretien terminé, les équipements sont rangés à la hâte, et le cortège se met en route, direction l’Hôtel de Ville. Freiné par les embouteillages, le van n’arrive que tardivement devant le défilé du styliste.
« Vous avez deux minutes », prévient la sécurité. La troupe escalade les marches du grand escalier quatre à quatre et entre dans le salon, quelques secondes avant la fermeture des portes.
Compte-rendu d’une rencontre parisienne, le jour du 82ème anniversaire de Yohji Yamamoto.

Tu étais déjà présent à la PFW en juillet dernier et tu es revenu pour cette édition. Qu’est-ce qui t’a amené de nouveau à Paris ?
C’est une ville sympa, très différente de ce qu’on peut voir aux États-Unis. En observant les bâtiments ici, tu comprends à quel point l’Amérique est récente. L’architecture des lieux est si particulière, c’est comme un musée à ciel ouvert.
Qu’aimes-tu le plus dans le travail de Yohji Yamamoto ?
Yohji est juste cool. J’aime sa vision. On fait la même taille donc il comprend le type de coupes que j’aime. Tout ce qu’il crée, même les échantillons de pièces, taille parfaitement. C’est aussi un passionné de musique. J’adore cette musicalité qui se cache dans son travail. Ce mélange entre les arts et la musique, c’est tout ce que j’aime. Finalement, on peut dire que tout ce qu’il fait dans le domaine culturel est génial (rires).
Yamamoto a 82 ans et continue de défier les lois de la mode. Dans 40 ans, quelles règles espères-tu avoir brisé dans le rap ?
Pouvoir vivre aussi longtemps, c’est ma priorité numéro un. Être en pleine possession de mes moyens, de mon corps et de mon esprit, c’est le plus important. Et après, je veux juste que le genre continue d’exister, peu importe qui a laissé son empreinte ou quels petits grains de sable auront construit la plage du hip-hop. J’espère laisser ma trace aussi, mais l’essentiel, c’est que la musique aille plus loin qu’elle ne l’a jamais été auparavant.
Yamamoto drape ses vêtements directement sur les mannequins. Ton processus d’écriture est-il aussi instinctif ?
Il dépend de ma mentalité et de mon état d’esprit du jour. Parfois, quand j’écoute une instrumentale, que je la choisis ou que je la crée, je suis très en phase avec le rythme. Donc si tu en modifies rien qu’une partie, ça n’aura plus de sens pour moi parce qu’à ce moment-là, je suis très connecté à la musique en elle-même.
Et parfois, ce sont juste des instants dans l’écriture.
Je suis sûr que la manière dont Yamamoto crée est différente de celle dont je vis ma musique. Mais je vois des points communs, rien que dans la vibe de ses vêtements, et ce que je ressens quand je les porte.
Tu as posté des photos avec Yohji Yamamoto en mars dernier. Comment s’est déroulée la rencontre ?
C’était super de le rencontrer. On a fait des doigts d’honneur à la caméra. C’était vraiment marrant, on était sur la même longueur d’onde. Nos vibes étaient comme connectées. On a partagé un moment incroyable, et je dirais que la confiance mutuelle s’est accrue.
Entre tes albums The Forever Story (2022) et God Does Like Ugly qui vient de sortir, est-ce que tu dirais que tu as changé ta manière d’appréhender le processus d’écriture et de production ?
Oui, j’ai l’impression que chaque jour, je grandis différemment avec la musique. Des aspects changent dans mon processus de création. Ce projet est aussi plus personnel. C’est quelque chose que j’avais besoin d’exprimer.
Tout change en ce moment dans ma façon de créer de la musique, simplement parce que j’y pense en permanence. Même pendant cette interview, je suis en train de penser à un morceau que j’essayais de terminer d’écrire aujourd’hui. C’est comme… tailler un diamant infini.
Tu t’apprêtes à commencer ta plus grosse tournée God Does Like World Tours. Comment te prépares-tu physiquement et mentalement pour un tel événement ?
Beaucoup de tentatives et d’erreurs dans la création de la setlist, et pendant les répétitions. Mentalement, je me prépare à être loin de ma famille. Il s’agit aussi de préparer ton corps et de t’assurer que le show est au niveau auquel tu souhaites le présenter au public. Il n’y a pas d’autre manière que juste se lancer. Tu dois sauter la tête la première quand tu es en tournée.
Si tu pouvais ré-imaginer la bande-son du défilé de Yamamoto, quelle musique choisirais-tu pour accompagner la collection ?
S’il me donnait l’opportunité de travailler un peu sur sa musique, je pense que je créerais probablement une playlist complète de morceaux inédits, inconnus, frais, qui correspondent aux vêtements ou pièces que je vois.
Illustrations : Abderahman Lakhal for Billboard France (J.I.D) / Monica Feudi Runway Show Pictures
Journaliste : Antonin Pons / Nicolas Baudoin
Agence : AP STUDIOS
Lieux : Westminster Hotel / Hôtel de Ville