Startups IA et industrie musicale : vers un terrain d’entente ? 

Après une période de fortes tensions entre le monde de la musique enregistrée et les acteurs de l’intelligence artificielle, un rapprochement semble s'opérer.
Sir Lucian Grainge

Crédit : Austin Hargrave pour Billboard

Longtemps réticente face à l’IA, l’industrie musicale avance désormais plusieurs pistes pour l’appréhender dans le respect du droit d’auteur : transparence des modèles, opt-out ou encore des licences.  Cette dernière solution semble être la piste privilégiée aujourd’hui.

Le récent accord entre Universal Music Group et Udio, la start-up d’IA générative musicale, marque un déplacement des discussions entre acteurs vers des accords commerciaux et une reconnaissance progressive d’un cadre légal. 

Des repères juridiques

Aux États-Unis, la procédure opposant Anthropic aux associations d’auteurs avait démontré que Claude, un chatbot concurrent de ChatGPT, s’entraînait sur des œuvres protégées par le biais de bibliothèques fantômes, des sites recensant les œuvres sans autorisation. Anthropic a été reconnu coupable d’utilisation illégale d’œuvres protégées et a accepté de dédommager les ayants droit concernés, à hauteur de 1,5 milliard de dollars.

En Europe, un procès opposant la GEMA, l’équivalent de la SACEM en Allemagne, et OpenAI vise à déterminer si leur modèle d’IA peut s’entraîner librement sur des catalogues musicaux. Le jugement attendu le 11 novembre ne créera pas de jurisprudence hors d’Allemagne, mais il pourrait inspirer les décisions d’autres juridictions européennes.

Ces décisions ne créent pas encore de standard mais elles dessinent les contours d’un cadre juridique futur en plus de donner les clés de compréhension du fonctionnement des IA génératives. 

Des tribunaux aux accords commerciaux

Alors que les conflits judiciaires entre les majors et les start-up d’IA générative musicale sont toujours en cours, Universal Music Group et Udio ont annoncé fin octobre avoir conclu un accord prévoyant le lancement d’une plateforme d’IA générative qui s’entraînera sur les masters et les éditions du catalogue de la maison de disques. Par la même occasion, cette dernière a annoncé avoir réglé son litige pour violation de droits d’auteur contre Udio.

En parallèle, Universal Music Group a également signé ce trimestre des partenariats avec Stability AI pour concevoir un outil de création musicale et avec YouTube autour de la rémunération des artistes sur les contenus IA.

L’accord entre UMG et Udio montre que les outils de contrôle existent et peuvent être rapidement déployés. En attendant le lancement de cette nouvelle plateforme, Udio restera disponible pour les utilisateurs, mais avec un contrôle accru sur les titres générés et une limitation des téléchargements.  

Rappelant les prémices du streaming avec Blogmusik (devenu depuis Deezer) et Radio.blog, aucun accord similaire avec Suno, concurrent direct d’Udio, n’est évoqué pour le moment par UMG. En parallèle, Sony Music et Warner Music ont maintenu leurs poursuites contre les deux start-up. 

Un potentiel économique important 

Selon une étude commandée par la CISAC, l’organisation mondiale regroupant les organisations de gestion collective comme la SACEM, le marché de l’IA dans la musique et l’audiovisuel pourrait connaître un véritable essor, passant de 3 à 64 milliards d’euros d’ici 2028. 

Plusieurs acteurs s’inquiètent de voir les majors passer des accords et avancer de leur côté, en particulier l’Adami et la Spedidam. Ils sont aussi rejoints par Emma Rafowicz, députée européenne et vice-présidente de la commission culture au Parlement européen, affirmant pour Les Echos que « le marché de licence de gré à gré risque d’être moins disant pour les artistes et de ne bénéficier qu’aux plus gros acteurs du marché sans une régulation européenne forte ».