Les faits politiques qui ont marqué le business de la musique en 2025
Le vote sur l'ensemble du projet de loi de finances est prévu au Sénat pour le 15 décembre 2025.
Thomas SAMSON / AFP
Baisse des subventions, réformes culturelles, tensions entre acteurs publics et privés… Retour sur les faits politiques qui ont marqué l’industrie musicale, en France et à l’international.
Baisse des subventions du CNM
Le projet de loi de finances (PLF) pour 2026, toujours en discussion, prévoit une baisse des dépenses, qui n’épargne pas la culture. En cas d’adoption, le budget du ministère devrait en effet s’établir à 3,5 milliards d’euros, soit une diminution de 4,6 % par rapport à 2025.
Le Centre national de la musique (CNM) devrait voir sa dotation publique réduite de 6,9 millions d’euros. Cette coupe représente une baisse de 26 % par rapport à 2025. Par conséquent, pour la première fois depuis la création du CNM, la dotation budgétaire ne couvrirait que les frais de fonctionnement de l’établissement, sans pouvoir participer au financement des aides au secteur musical.
Pour limiter l’impact de cette baisse, les plafonds des taxes sur les spectacles vivants ainsi que sur le streaming musical seraient relevés, avec 8 millions d’euros de recettes supplémentaires attendues. Ce déplafonnement permettrait au CNM de toucher une part plus importante des taxes collectées sur la filière, plutôt que cette dernière ne soit reversée au budget général de l’État. Les recettes seraient d’abord utilisées pour soutenir le secteur visé par chaque taxe.
Cette hausse des plafonds ne suffirait toutefois pas à compenser totalement la diminution de la dotation budgétaire, puisque les prévisions pour la taxe streaming (18 M€) atteignent un rendement inférieur au plafond réhaussé.
Le CNM adopte ainsi un budget de 133 millions d’euros pour 2026, dont 6 millions d’euros de réserves mobilisés exceptionnellement pour préserver l’essentiel des aides sectorielles (notamment pour le spectacle vivant et la musique enregistrée), tout en limitant la baisse des aides transversales.
Le président du CNM précise cependant que ce prélèvement sur les réserves revêt un caractère exceptionnel et ne pourra pas être reconduit.
Le PLF pour 2026 étant encore en cours d’examen à l’Assemblée nationale et au Sénat, le budget du CNM reste susceptible d’évoluer en fonction des arbitrages définitifs. Dans cette optique de révision, l’établissement souhaite également plaider auprès des parlementaires le déplafonnement des deux taxes et un niveau plus élevé de subvention.

France Music Week : une facture en partie réglée
Dans ce contexte de coupes budgétaires, le CNM doit faire face à un imprévu. Alors que la première France Music Week s’est déroulée en juin 2025, elle laisse une lourde facture derrière elle.
Le ministère de la Culture s’était engagé à en supporter l’intégralité du coût, soit 4,6 millions d’euros, demandant au CNM de simplement en avancer le budget. Néanmoins, lors du vote des crédits de fin de gestion, l’État a annoncé qu’il ne remboursera que 3,2 millions d’euros sur les 4,6 millions avancés par le CNM pour l’organisation de l’événement.
Un moindre mal après une longue période d’incertitude, où le remboursement n’avait pas encore été évoqué.

Crédit : Abderahman Lakhal pour Billboard France
Ingérence politique dans la programmation des festivals ?
Le refus du festival Rock en Seine de déprogrammer le groupe irlandais Kneecap a des conséquences sur son financement.
En juillet 2025, la mairie de Saint-Cloud retire sa subvention de 40 000 euros versée jusqu’alors au festival, rapidement suivie par la région Île-de-France qui elle aussi annule son aide.
Cette décision a été annoncée le 21 août par le maire du XVIe arrondissement de Paris, également conseiller régional chargé des Grands Événements, Jérémy Redler.
Interrogé par Billboard France une semaine plus tôt, le co-propriétaire du festival Matthieu Pigasse déclarait :
« Aujourd’hui, [les festivals] ne sont plus à l’abri car il y a des tentatives d’ingérence dans la programmation de la part de certains politiques, le plus souvent d’ailleurs de droite, d’extrême droite, qui veulent influer sur la programmation. […]
Ça peut être par le retrait de subventions de collectivités locales qui participent au financement de festivals si vous faites jouer tel artiste. C’est quelque chose qu’on ne voyait pas il y a cinq, quatre ou même trois ans, qui est tout à fait nouveau. »

Crédit : Benjamin Cremel/AFP
Les artistes s’opposent à l’usage de leur musique en politique
Aux États-Unis, à l’aune du nouveau mandat Trump qui fonde une grande partie de sa stratégie de communication sur la musique, les artistes protestent. Récemment, Olivia Rodrigo, Bruce Springsteen ou encore Metallica ont fait entendre leur désaccord vis-à-vis de l’utilisation de leurs chansons dans des spots de publicité gouvernementale.
La dernière artiste en date à s’y opposer ? Sabrina Carpenter, dont la chanson Juno a été utilisée dans une vidéo montrant la police migratoire (ICE) arrêter des immigrés. La popstar a répondu : « Cette vidéo est malveillante et répugnante. Ne m’impliquez jamais, moi ou ma musique, dans vos projets inhumains ».

Crédit : Kevin Mazur / Getty Images pour AEG
500 millions d’euros pour la filière musique
À l’occasion de l’ouverture de la France Music Week, le gouvernement officialise un plan de financement à la hauteur de 500 millions d’euros d’ici 2030, piloté par Bpifrance.
Présenté par la ministre de la Culture comme une réponse aux défis de l’IA et de la concurrence internationale, ce dispositif inclut 340 millions d’euros en prêts et garanties pour les entreprises rentables, 125 millions en fonds propres pour le développement, et 35 millions pour l’innovation.
Ce soutien à l’investissement est censé s’additionner aux 60 millions d’euros d’aides annuelles attribuées par le CNM.

Crédit : Abderahman Lakhal pour Billboard France
La FTC attaque Ticketmaster
Le 18 septembre dernier, le mastodonte de la billetterie en ligne, Live Nation/Ticketmaster, est officiellement poursuivi en justice. La Federal Trade Commission (FTC) et plusieurs procureurs américains l’accusent de « tactiques de revente illégales » et de pratiques anticoncurrentielles.
L’enquête s’appuie sur des documents internes montrant notamment que Ticketmaster aurait « fermé les yeux » sur l’activité des revendeurs utilisant des bots pour contourner les limites d’achat.
La plateforme aurait fourni aux scalpers des outils professionnels comme TradeDesk pour gérer leurs inventaires massifs, leur permettant ainsi d’acquérir de nombreux billets pour les revendre instantanément à des prix plus élevés sur la même plateforme.
Ticketmaster est notamment accusé de percevoir à la fois une commission lors de la vente initiale, puis une deuxième auprès du revendeur, le scalper, et enfin une troisième auprès du consommateur sur le marché secondaire.

Réforme du pass Culture
Entrée en vigueur le 1ᵉʳ mars 2025, la réforme du pass Culture modifie les modalités d’utilisation et les sommes consacrées par l’État à l’accès des jeunes à la culture.
Jusqu’à présent, le dispositif offrait à chaque jeune de 15 à 18 ans un crédit annuel progressif selon l’âge : 20 euros à 15 ans, 30 euros à 16 et 17 ans, et 300 euros à 18 ans.
Désormais, les jeunes de 18 ans voient ainsi leur enveloppe réduite de 300 à 150 euros. Le montant alloué aux jeunes de 17 ans passe quant à lui de 30 à 50 euros, tandis que les jeunes de 15 et 16 ans voient leur part intégralement supprimée. Certains jeunes de 18 ans peuvent néanmoins obtenir 50 euros supplémentaires sous certaines conditions, liées notamment au quotient familial, portant leur crédit total à 200 euros.
L’enveloppe maximale dédiée aux offres numériques, y compris les abonnements de streaming musical, reste plafonnée à 100 €. Pour les biens matériels (incluant notamment les CD et vinyles) et les événements culturels (incluant notamment les concerts, festivals…), il est toujours possible d’allouer la totalité du crédit.
Le délai d’utilisation du pass Culture est également étendu : les jeunes disposent désormais de quatre ans à partir de leur 17ᵉ anniversaire pour en profiter.

Régulations de l’IA
Deezer quantifie le phénomène en révèlant en septembre que plus de 34 % des morceaux mis en ligne chaque jour, soit environ 40 000 titres, sont intégralement générés par IA.
En 2025, le sujet de l’intelligence artificielle occupe une place centrale dans les débats autour de la filière musicale, comme en témoignent les récents partenariats entre les majors et les plateformes de création musicale par IA, notamment Universal avec Udio et Warner avec Suno.
Cette situation, qui suscite la crainte des artistes, engendre une réponse législative. Suite à une mission d’information du Sénat sur le sujet, trois sénateurs déposent une proposition de loi. Cette dernière sera examinée au cours des prochaines semaines.
Le texte contient un unique article : « Sauf preuve contraire, l’objet protégé par un droit d’auteur ou par un droit voisin, au sens du présent code, est présumé avoir été exploité par le système d’intelligence artificielle, dès lors qu’un indice afférent au développement ou au déploiement de ce système ou au résultat généré par celui-ci rend vraisemblable cette exploitation ».
Dans un entretien avec Public Sénat, le sénateur Pierre Ouzoulias (PCF) décrit cette proposition de loi comme un « renversement de la charge de la preuve. […] Aujourd’hui, s’il y avait des contentieux, ce serait aux artistes de prouver que leurs productions ont été pillées. Ce qui est absolument impossible ».
Bien que cette proposition de loi ne concerne que la France et les ayants droit français, ses auteurs espèrent qu’elle constituera une première étape quant à l’adoption d’un texte similaire incluant l’ensemble du territoire européen.
