Lady Gaga, Drake, Billie Eilish : pourquoi font-ils l’Accor Arena plutôt que le Stade de France ?

Lorsque leur tournée passe dans l'Hexagone, certains artistes internationaux semblent se tourner vers des lieux plus petits que ce que la demande permet. Un choix artistique, ou bien guidé par des contraintes spécifiquement françaises ?
Billie Eilish à l'Accor Arena

Billie Eilish à l'Accor Arena

Crédit : Henry Whu

Lundi, Lady Gaga a entamé une série de 4 shows à Paris, dans une salle de « seulement » 20 300 personnes : l’Accor Arena. Billie Eilish et Drake, deux des plus grandes superstars au monde, avaient fait le même choix plus tôt dans l’année. Ed Sheeran, pourtant habitué des stades, a lui annoncé un Zénith de Paris en décembre prochain. Quand ils passent en France, certaines têtes d’affiche réservent donc des salles plus petites que le public potentiel

De l’autre côté du spectre, des artistes internationaux de taille comparable battent des records dans les stades. Exemple récent le plus frappant, celui de The Weeknd qui effectue 8 concerts en France en 2026, dont 4 consécutifs au Stade de France, égalant ainsi le record de Coldplay il y a 3 ans. Ces grands écarts en termes de capacité des tournées internationales passant en France posent question. La limitation est-elle uniquement à des fins artistiques, ou la typologie des salles françaises contraint-elle à des tournées réduites dans l’Hexagone ?

Choix artistique

Drake a voulu être près des gens. Billie Eilish souhaitait instaurer une atmosphère intimiste, allongée sur le sol, dans le noir avec un mur vidéo au-dessus d’elle.

Les artistes en développement qui entament une tournée internationale se tournent vers les salles, d’abord en fonction de leur capacité à la remplir, tandis que les artistes majeurs ont le luxe de pouvoir sélectionner.

“Ils vont choisir dans chaque pays la salle la plus adaptée.” explique Angelo Gopee, directeur général de Live Nation France à Billboard France. 

Ces dernières années, certains artistes en capacité de remplir des grandes jauges font le choix volontaire d’être en contact plus immédiat avec leurs fans.

“Drake a voulu être proche des gens. Billie Eilish souhaitait instaurer une atmosphère intimiste, allongée sur le sol, dans le noir avec le mur vidéo au-dessus d’elle. Elle avait envie de faire taire les gens, puis de les faire chanter.” confie ainsi Angelo Gopee. 

Dernièrement, c’est Ed Sheeran qui a annoncé une “tournée intimiste” en Europe à l’occasion de la sortie de son album Play

Il passera par le Zénith de Paris le lundi 1ᵉʳ décembre. L’artiste britannique avait pourtant rempli deux Stades de France les 29 et 30 juillet 2022. 

Madonna, habituée aux performances devant des milliers de personnes, avait également lancé une première tournée en format réduit en 2019 : le Madame X Tour. Elle s’était produite dans des salles de théâtre de onze villes à travers le monde, dont le Grand Rex en février et mars 2020. 

Ce choix artistique découle de la proximité souhaitée avec le public, mais également de la scénographie imaginée. 

Beyoncé a une scène qui fait 50 m de large avec des chevaux et des danseurs. […] Kendrick Lamar a décidé de tourner avec une grande scène, il était donc naturel d’aller à Paris La Défense Arena pour satisfaire cette production ambitieuse.”

Crédit : Henry Whu

Plus de stades ?

Car si les superstars ont le choix entre stades et petites salles, cela n’empêche pas la demande globale de concerts de grandir de façon effrénée, dans une croissance à deux chiffres chaque année depuis la pandémie de Covid-19. 

Certains genres, comme la K-pop ou le reggaeton, ont vu leur audience se multiplier dans le monde ces dernières années, permettant aux artistes de rassembler des centaines de milliers de fans prêts à aller les voir. Ce phénomène se traduit notamment par les deux dates au Stade de France de BLACKPINK et les deux de Stray Kids à l’été 2025, tandis que 500 000 personnes étaient dans la file d’attente pour obtenir des places lors du passage de Bad Bunny en France en 2026.

Angelo Gopee l’affirme : le phénomène est inédit. “Cet engouement amène des artistes à aller plus tôt et plus vite sur les stades. Là où il y a 20 ans, ils n’en auraient pas fait.” 

Parallèlement, le directeur général parle même d’une “mode des stades”. 

Selon lui, il est intéressant pour l’image d’un artiste d’être parmi les premiers à pouvoir remplir un stade. Alors que ces derniers étaient la chasse gardée des stars internationales, les artistes francophones ont pu être de plus en plus nombreux à s’y produire ces dernières années. En 2025, le Stade de France bat son record de concerts en un an avec 17 shows. Même constat pour l’Orange Vélodrome, qui double son record avec 8 concerts, contre 4 précédemment. Sur ces 8 spectacles, la moitié ont été donnés par des artistes marseillais. 

En 2025, Jul et Ninho ont rempli leur premier Stade de France. Le rappeur marseillais s’y produit de nouveau en 2026 et sera suivi par PLK, qui a rempli ses deux dates dans l’enceinte dionysienne pour septembre 2026.

Crédit : Abderahman Lakhal

Moins d’arenas en France

Pourtant, malgré la demande grandissante, un constat s’impose : lorsque les artistes internationaux préparent une tournée européenne, ils programment moins de dates en France qu’en Angleterre ou en Allemagne. Et ces dernières seront quasiment à chaque fois à Paris, laissant pour compte les autres grandes villes françaises.

Angelo Gopee explique que dans le reste des pays européens, le standard d’une salle de concert est de 15 000 personnes. Une déclaration qui corrobore le constat déjà plus ancien fait dans le rapport Arenas 2015 du ministère de la Santé et des Sports, datant de 2009. Ce dernier faisait état qu’à l’époque « la France ne comptait aucune des 21 grandes salles de plus de 15 000 personnes pouvant accueillir en Europe des manifestations sportives ».

Si depuis ce rapport, l’Accor Arena a été portée à une capacité de 20 300 places, tandis que la LDLC Arena, ouverte en 2023 à Décines-Charpieu, a une capacité de 16 000 personnes en concert, la France demeure encore loin de ses voisins européens à ce niveau.

Thomas Paris, professeur associé chercheur CNRS, l’explique notamment : « les arenas s’inscrivent, par nature et par le type d’artistes qui peuvent s’y produire, purement dans le modèle marchand. Ces dernières n’ont pas besoin de subventions, elles ne nécessitent pas d’aménagement du territoire, car leur public est plutôt international que local. »

Le chercheur explique ainsi la moindre présence d’arenas par le fait que la France est dans une économie culturelle mixte. « Les Zénith ont l’obligation d’avoir des prix plus bas […] Il y a une espèce de pression à la baisse sur les prix et qui rend un peu plus compliqué l’équation économique des grandes salles ».

Entre 1983 et 2008, 17 Zénith d’une capacité d’accueil supérieure à 6 000 places ont été construits dans une logique d’aménagement du territoire en France. Le plus grand d’entre eux se situe à Strasbourg, avec une capacité de 12 000 places. 

Ce type de salle est avant tout pensé pour les artistes français. Dans le cahier des charges des salles Zénith, il est indiqué que « la programmation devra accorder une attention particulière aux artistes locaux, régionaux et nationaux. »

Ce qui explique donc que les superstars internationales se produisent le plus souvent à l’Accor Arena à Paris (20  300 places) ou à la toute récente LDLC Arena, ouverte en 2023 à Lyon (16 000 places), lors d’une tournée des arenas.

Dernière option pour les têtes d’affiche mondiales : Paris La Défense Arena, qui sera parfois choisie lors d’une série de dates en arenas, mais qui nécessite d’adapter le concert à la taille de la salle (40 000 places), et qui est plutôt considérée par les artistes internationaux comme un stade. 

Angelo Gopee le résume : “Le problème, c’est que dans une tournée, c’est très difficile de faire stades et salles. Toutefois, certains artistes passent en arena ailleurs en Europe et passent à Paris La Défense Arena en France. […] Pour le concert de Maroon 5, on a rajouté trois écrans vidéo, on a rajouté du son, on a rajouté de la lumière, pour que ce soit vraiment à la hauteur de Paris La Défense Arena et que les gens aient l’impression d’avoir une grande scène.”